Champagne Ayala : le charme discret de la modestie
Nos deux sommeliers québécois gagnants en mai dernier au récent Concours du meilleur sommelier des Amériques ont-ils fait bruyamment sauter le bouchon du champagne Brut Majeur d’Ayala pour célébrer leur victoire respective? Ce ne serait pas du tout convenable, du moins sur le plan sonore, mais basta ! Rien ne remplace tout de même une belle bulle champenoise pour marquer ce nouvel épisode dans leurs vies.
Le champagne Ayala? Vous n’en retrouverez pas s’éclatant le verre sur la coque rutilante d’un navire lors d’un mouillage officiel ni jouant les shampoings capillaires sur les têtes couronnées de pilotes de Formule 1. Cette maison familiale établie à Aÿ en 1860 et entrée dans le giron de cette autre maison familiale du nom de Bollinger en 2005 arborerait plutôt ce charme discret des maisons qui se renouvellent à l’ombre, sans tambour ni trompette.
S’émanciperait-elle sous la touche fine et sensible de la chef de cave Caroline Latrive, entrée en fonction ici en 2007 et qui, aujourd’hui, titille les amateurs de beaux champagnes ? La dame était de passage au Québec dans la foulée du Concours du meilleur sommelier des Amériques. Dire des vins qu’ils sont à son image ne serait pas du tout déplacé. Très convenable, même.
Le chardonnay est son terrain de jeu, et ses approvisionnements du côté des crus d’Oger, d’Avize, de Chouilly, de Cramant et de Vertus ne cessent d’être mis en lumière par des pinots noirs et meuniers qui agissent telle une caisse de résonance pour amplifier ce même chardonnay et lui polir discrètement le relief. Ajoutez un dosage modéré (ajout de la liqueur d’expédition avant le bouchage final) et des séjours sur latte conséquents (trois, quatre, six ou huit ans selon les cuvées) sans toutefois altérer la fraîcheur, et vous avez là des champagnes portés par un souffle et une dynamique bien sentis. Bref, la classe quoi! Quelques mots sur chacun d’eux.
Brut Majeur (58,75 $ – 11553137). Tout est mis en place avec doigté, avec ce roulement de bulles un rien tendu, très frais, jamais «élimant», comme aime à le souligner Mme Latrive. Apéro de choix pour cette fête nationale qui s’annonce ! (5+) ★★★ 1/2
Blanc de Blancs 2008 (103,50 $ – 13427249). Avec le 2002 et ce 2008, cette décennie aura livré des vins de style, de grande finesse. La palette aromatique des chardonnays (issus de la Côte des Blancs) y est plus large avec sa pointe d’agrume mûr, cette touche de crème pâtissière, de grillé et de vanillé fin, puis cette bouche, ample et soyeuse, portée avec grâce par un filon minéral sur la longue finale. Encore d’une fraîcheur impeccable en raison de son récent dégorgement (juillet 2016). Oserions-nous le mot « féminin » ici ? S’il évoque beauté, harmonie, sensibilité et émotion: oui. (5+) ★★★★ Perle d’Ayala 2006 (150$ – 12940219). Cette perle évoque un grain de peau satinée tendue juste ce qu’il faut, aux couleurs chatoyantes de nacre et de citron clair et aux parfums amples de praline, de mousseron, de pivoine jaune et de fruit confit. Grand moment de sensualité à partager avec quelques doux rêveurs ou rêveuses qui savent d’instinct accorder du temps là où la beauté du moment l’exige. À mon sens, prix fort raisonnable en raison de l’émotion ici dégagée. Des chardonnays brillants (pour 80 %) issus des meilleurs crus, complétés par des pinots noirs d’Aÿ, le tout bonifié avec 96 mois sur lattes. Le rêve. (5+) ★★★★ 1/2