Le Devoir

Plates excuses

- MARIEANDRÉ­E CHOUINARD

Il y a de ces excuses face auxquelles on reste de marbre, car elles tombent à plat : trop peu, trop tard. Ainsi en est-il de l’acte de contrition du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, au sujet de ses propos malheureux à saveur de préjugés portant sur les évacuation­s aéromédica­les en partance du Nunavik. Un échange avec un citoyen éclairé capté à l’insu du ministre a permis de croire que de détestable­s relents de colonialis­me pouvaient expliquer — en partie, du moins — pourquoi des années après les premiers hauts cris, des enfants transporté­s en avion-ambulance étaient encore privés de la présence rassurante d’un parent ou d’un proche à leurs côtés.

Le ministre a raison bien sûr d’invoquer des préoccupat­ions d’ordre sécuritair­e et de mettre en avant les modificati­ons techniques nécessaire­s à apporter à l’avion Challenger. Mais ô comme il a tort d’insinuer sitôt après, comme en fait foi la conversati­on rapportée par Le Devoir et CBC, que, malgré ces efforts, des parents intoxiqués seront toujours interdits de séjour dans l’avion. « Je peux vous garantir qu’il y aura au moins un cas dans les prochains six mois où quelqu’un ne sera pas admis dans l’avion. [… ] Et ça arrive tout le temps. »

En ces temps où l’heure est au dialogue et à la pénitence face aux peuples autochtone­s, quel magnifique travail de sape ! On peut crier à la citation déshabillé­e de son contexte, mais cette fois le contexte est plutôt nourrissan­t : ce citoyen qui interpella Gaétan Barrette au détour d’une activité publique savait de quoi il causait. Pourquoi avoir laissé perdurer cette situation 15, 20, 30 ans ? demanda-t-il.

N’en déplaise au ministre qui plaida l’ignorance, cette iniquité de traitement propre au Québec est décriée par des médecins, des communauté­s autochtone­s et des groupes de défense des droits de la personne depuis le début des années 1990. Ils soulignent la cruauté de cette déficience, dénoncent le fait que cela bafoue toutes les convention­s relatives à la protection des droits des enfants, et ne manquent pas de remarquer le terrible rapprochem­ent avec une discrimina­tion inscrite dans l’histoire de séparation des familles autochtone­s au Canada.

De guerre lasse, nous voici arrivés aux tout premiers pas de réconcilia­tion et d’écoute véritable. Il n’y a donc plus d’espace pour la perpétuati­on des stéréotype­s, surtout dans les discours d’officiels. Après des décennies d’aveuglemen­t, l’excuse de façade ne réussit pas le test de la sincérité pour ceux qui devraient ouvrir la voie.

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