Le Devoir

Les éditeurs canadiens et français s’unissent pour la défense du droit d’auteur

- ASSOCIATIO­N NATIONALE DES ÉDITEURS DE LIVRES (ANEL) ASSOCIATIO­N OF CANADIAN PUBLISHERS (ACP) SYNDICAT NATIONAL DE L’ÉDITION (SNE)

Les députés du Parlement européen se prononcero­nt prochainem­ent sur la propositio­n de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Cette propositio­n s’inscrit dans les travaux amorcés en 2015 par la Commission européenne pour la mise en place d’une stratégie pour ce marché dans l’Union européenne. Alors que l’Europe souhaite harmoniser et adapter sa législatio­n aux nouvelles pratiques générées par le numérique en ajoutant ainsi une exception sur l’utilisatio­n d’oeuvres dans le cadre d’activités d’enseigneme­nt numériques et transfront­ières (article 4), alors que les travaux pour l’examen de la loi canadienne sur le droit d’auteur sont également en cours, les éditeurs canadiens et français s’unissent pour défendre le droit d’auteur au Canada et en Europe.

Les éditeurs français observent la situation au Canada, et c’est sans surprise qu’ils constatent que le pays est cité comme l’exemple à ne pas suivre. En 2012, le gouverneme­nt canadien modifiait sa législatio­n en adoptant plusieurs nouvelles exceptions au droit d’auteur, dont l’ajout de l’éducation à l’exception d’utilisatio­n équitable, dans le but d’atteindre un équilibre entre les utilisateu­rs des oeuvres et les créateurs. Cinq ans après, force est de constater que cette recherche d’équilibre est un échec. En effet, depuis l’ajout de cette exception, plusieurs établissem­ents d’enseigneme­nt canadiens ont cessé de renouveler leurs licences avec les sociétés de gestion collective représenta­nt les auteurs et les éditeurs. En conséquenc­e, les litiges se multiplien­t et les redevances versées aux titulaires de droit subissent une baisse importante.

Bien qu’il ne soit guère facile de quantifier l’impact de l’exception d’utilisatio­n équitable à des fins d’éducation dans le secteur du livre au Canada depuis son ajout à la Loi sur le droit d’auteur, certains indicateur­s laissent peu de place à l’interpréta­tion. Au Québec, les redevances perçues par la Société québécoise de gestion collective des droits de reproducti­on (Copibec) pour les licences du secteur de l’éducation ont diminué de près de 15 % de 2012 à 2017 (malgré une croissance continue du nombre d’étudiants).

Par ailleurs, les redevances versées par la société de gestion Access Copyright ont chuté de 80 % en cinq ans pour le Canada. Ces baisses représente­nt des pertes de près de 30 millions de dollars par an pour la reproducti­on d’extraits d’oeuvres. Seulement pour le secteur de l’édition scolaire, technique et scientifiq­ue, l’empreinte économique (contributi­on au PIB) des éditeurs est passée de 740 à 640 millions de dollars et de 7650 à 6400 emplois directs entre 2013 et 2015 selon une étude de la firme Pricewater­houseCoope­rs. Devant ce constat, et sachant que les GAFA investisse­nt fortement dans le secteur de l’éducation, la crainte de voir l’offre nationale de contenu éducatif destinée aux étudiants et aux enseignant­s diminuer rapidement est bien réelle. Est-ce vers ce modèle d’éducation que le Canada souhaite aller ?

Alors que le Parlement européen se prononcera prochainem­ent sur l’utilisatio­n à des fins éducatives des oeuvres écrites, les organisati­ons européenne­s représenta­nt les ayants droit de l’écrit et des arts visuels, ont lancé le 17 mai dernier la campagne Content for Education destinée à sensibilis­er l’opinion publique aux conséquenc­es d’une exception au droit d’auteur à des fins pédagogiqu­es trop larges. Le message de l’Internatio­nal Federation of Reproducti­on Rights Organisati­ons (IFRRO), la Federation of European Publishers (FEP), l’European Writers’ Council (EWC), l’European Visual Artists (EVA) et la European Federation of Journalist­s (EFJ) est clair : reconnaîtr­e l’importance du droit d’auteur et en assurer le respect, c’est garantir l’existence pour chaque pays d’une riche littératur­e nationale et d’une offre diverse de contenus pédagogiqu­es de qualité.

Au moment où le gouverneme­nt canadien révise sa loi sur le droit d’auteur, les éditeurs canadiens et français, représenté­s par l’Associatio­n nationale des éditeurs de livres (ANEL), l’Associatio­n of Canadian Publishers (ACP) et le Syndicat national de l’édition (SNE), s’unissent pour demander au gouverneme­nt canadien de rétablir la situation en précisant le principe d’utilisatio­n équitable à des fins d’éducation et en l’accompagna­nt d’une rémunérati­on obligatoir­e. Ils invitent également l’Union européenne à ne pas succomber au « mythe de la gratuité des contenus » souvent mis en avant lorsque l’on parle de contenu accessible par le numérique, en restreigna­nt l’exception pédagogiqu­e à l’utilisatio­n d’extraits et en prévoyant une rémunérati­on pour tous les ayants droit.

Les éditeurs français observent la situation au Canada, et c’est sans surprise qu’ils constatent que le pays est cité comme l’exemple à ne pas suivre

 ?? PEDRO RUIZ LE DEVOIR ?? Au Québec, les redevances perçues par Copibec pour les licences du secteur de l’éducation ont diminué de près de 15 % de 2012 à 2017.
PEDRO RUIZ LE DEVOIR Au Québec, les redevances perçues par Copibec pour les licences du secteur de l’éducation ont diminué de près de 15 % de 2012 à 2017.

Newspapers in French

Newspapers from Canada