Le Devoir

Nouvelle querelle entre les médecins et la RAMQ

- AMÉLI PINEDA

La Fédération des médecins omnipratic­iens du Québec (FMOQ) entame une bataille judiciaire contre la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), qui a récemment interdit à ses membres de facturer certains frais accessoire­s, dont les billets d’absence.

Les médecins ne peuvent plus réclamer de frais à leurs patients pour un billet d’absence, une copie de dossier, une copie de CD, un transfert de dossier ou encore le remplaceme­nt d’une ordonnance perdue. En toute discrétion, la RAMQ a même ajouté certains services à la liste de ceux qu’elle couvre, c’est-à-dire qu’ils sont désormais considérés comme des services requis au point de vue médical.

Selon la dernière grille tarifaire de la FMOQ, datée de décembre 2017, un patient devait débourser 25 $ pour obtenir un billet d’absence. La copie du dossier médical coûtait 10$ pour la photocopie de la première page, puis 0,50 $ par page supplément­aire.

Or selon la FMOQ, ces services sont plutôt réalisés à des fins administra­tives et devraient pouvoir, à la discrétion du médecin, être facturés à ses patients.

La fédération, qui compte plus de 8000 membres, a décidé mercredi d’amorcer un bras de fer en se tournant vers les tribunaux. Elle a déposé une demande introducti­ve d’instance en jugement déclaratoi­re à la Cour supérieure du Québec. Avec cette requête, la FMOQ demande à la Cour de trancher le différend d’interpréta­tion quant à quatre catégories de frais (voir encadré).

« Au-delà de la somme d’argent [associée à chacun de ces services], c’est surtout une question de préciser ce qui est accessoire et ce qui ne l’est pas », soutient Louis Godin, président de la FMOQ.

La RAMQ n’a pas voulu se prononcer sur la situation. «La Régie ne commentera pas ce dossier tant qu’il est devant les tribunaux », indique Caroline Dupont, porte-parole de la RAMQ.

Divergence d’interpréta­tion

Depuis janvier 2017, date d’entrée en vigueur du règlement interdisan­t de faire payer les patients pour les services assurés, la FMOQ et la RAMQ se sont rencontrée­s pour discuter de plusieurs services qui étaient jusque-là facturés.

« Malgré les nombreuses démarches et discussion­s, les parties ont atteint un point de rupture et ont des interpréta­tions opposées de la réglementa­tion quant à la nature des services, et par conséquent quant aux frais pouvant être facturés aux personnes assurées », peut-on lire dans le document.

La FMOQ estime que l’interpréta­tion actuelle de la RAMQ place ses membres « dans une situation difficile face à leurs patients ».

« [Ils] ont le choix entre prendre euxmêmes la décision de facturer le patient en s’exposant à des amendes et des pénalités ou suivre à la lettre l’interpréta­tion faite par la RAMQ en se privant ainsi de revenus auxquels ils pourraient avoir droit », précise la requête.

Actuelleme­nt, déplore la Fédération, un médecin qui facture un client pour ce type de service s’expose à une amende de 5000 $ à 50 000 $ dans le cas d’une personne physique, et de 15 000 $ à 150 000 $ dans d’autres cas.

« Notre objectif, c’est de clarifier la situation. Actuelleme­nt, on ne s’entend pas. On ne peut pas laisser les médecins dans le doute et risquer qu’ils soient poursuivis », fait valoir M. Godin.

Médicaleme­nt nécessaire

Pour Stéphane Defoy, organisate­ur communauta­ire à la clinique de Pointe-Saint-Charles, la vision de ce qui est «médicaleme­nt nécessaire» doit être élargie.

«L’acte médical, ce n’est pas juste guérir le bobo. Si la personne a des problèmes de santé liés à son travail et qu’elle a besoin d’un billet pour justifier son absence, celui-ci fait partie de l’ensemble du soin dont elle a besoin », estime M. Defoy, qui a participé à l’implantati­on d’un registre de surveillan­ce des frais accessoire­s.

D’ailleurs, la discrétion de la RAMQ sur l’étendue des services qu’elle assure l’a étonné.

« Il y a des patients qui ont sans doute eu des rendez-vous et qui ne sont même pas au courant que dans les faits, ils ne devraient plus être facturés pour un billet d’absence », note-t-il.

M. Defoy croit d’ailleurs que la bataille qu’entame la FMOQ contre la RAMQ est menée seulement dans l’intérêt des médecins omnipratic­iens.

« La Fédération conteste la réintégrat­ion de ces services, mais ce n’est pas vraiment dans l’intérêt des patients, c’est parce qu’ils veulent pouvoir continuer à faire des gains supplément­aires », estime-t-il.

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