Le Sénat veut faciliter la vie des personnes handicapées
L’instauration d’un revenu annuel de base garanti pour les personnes ayant de graves incapacités est recommandée
Le Sénat estime qu’il est grand temps de faciliter la vie des personnes atteintes d’un handicap sévère. Il faut simplifier les processus d’obtention des avantages fiscaux fédéraux leur étant destinés et même envisager l’instauration d’un revenu minimum garanti pour elles.
Le comité sénatorial des affaires sociales a entrepris en décembre dernier une étude du crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH) après que la communauté des personnes diabétiques s’est plainte publiquement que ses demandes étaient refusées plus souvent qu’avant.
Le Sénat a découvert que les diabétiques n’étaient que la pointe de l’iceberg : les refus de CIPH, tous handicaps confondus, ont augmenté de 50 % en un an (45 157 refus en 2016-2017 contre 30 235 l’année précédente) alors que les demandes n’avaient crû que de 10% environ. La raison de cette hausse demeure un mystère pour les sénateurs.
Dans leur rapport intitulé « Éliminer les obstacles », ils proposent que le CIPH devienne un crédit d’impôt remboursable. « La majorité des gens qui se qualifieraient ont peu ou pas du tout de revenus contre lesquels s’appliquerait le crédit d’impôt », indique le sénateur Art Eggleton, qui préside le comité. Moins de 40 % des 1,8 million de Canadiens atteints d’incapacités graves touchent le CIPH, qui vaut environ 1200 $ par année.
Pour obtenir ce crédit d’impôt, il faut en faire la demande tous les cinq ans, ce qui implique de remplir un formulaire et de fournir des attestations médicales parfois coûteuses à obtenir. Les sénateurs estiment que les personnes atteintes d’une condition chronique devraient être exemptées de ce fardeau administratif.
« [Il faut] reconnaître le caractère permanent de certaines incapacités physiques et mentales et mettre fin à l’obligation, pour les personnes concernées, de présenter une nouvelle demande », écrivent-ils.
L’autre obstacle majeur concerne le Régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI). Le REEI permet aux personnes atteintes d’une maladie chronique d’épargner en vue d’un congé forcé prolongé. Pour les encourager à le faire, Ottawa triple la contribution du citoyen, jusqu’à concurrence de 3500 $ par année.
Le problème, c’est qu’il faut être admissible au CIPH pour ouvrir un REEI. Une personne sans revenu ne s’acquittera pas de la fastidieuse tâche de demander un crédit qui lui serait inutile et
n’ouvrira donc pas un REEI qui pourrait lui être très utile (des proches peuvent y contribuer). Le Sénat propose d’abolir cette condition d’accès au REEI. Seulement le quart des personnes admissibles détiennent un REEI.
En outre, si une personne handicapée perd en cours de route son admissibi- lité au crédit d’impôt, elle doit fermer son compte REEI et rembourser au gouvernement ses cotisations.
Le Sénat propose que «les personnes puissent conserver toutes les cotisations versées dans leur REEI durant les périodes où elles étaient admissibles ».
Revenu minimal
Enfin, les sénateurs recommandent qu’Ottawa mette en place un « revenu annuel de base garanti pour les personnes ayant de graves incapacités ». Pour tout argumentaire, ils écrivent que « depuis trop longtemps, un trop grand nombre de personnes handicapées vivent dans une pauvreté qui perdure. Cela doit changer ».
« On sait que c’est une recommandation assez audacieuse », lance la sénatrice Chantal Petitclerc, qui demande « à tout le moins » au gouvernement de « l’explorer ».
À Québec, la loi 173 a été adoptée ce printemps pour instaurer un revenu de base pour les personnes présentant des contraintes sévères à l’emploi, revenu qui atteindra quelque 18 000 $ en 2023 (comparativement à un peu moins de 13 000 $ en ce moment).
La ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, a fait savoir qu’elle « prendra connaissance du rapport et [y] répondra en temps opportun ».