Le Devoir

Un nouvel outil pour un meilleur accès à la justice

- PIERRE NOREAU DIRECTEUR, GROUPE DE RECHERCHE ADAJ, UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL PIERRE CRAIG JOURNALIST­E

Les citoyens paient pour un système de justice civile auquel ils ne peuvent avoir accès

Si vous vouliez poursuivre l’assureur qui refuse de vous dédommager, le vendeur de votre maison qui vous a caché un vice majeur ou le médecin qui vous a opéré et qui a commis, selon vous, une faute médicale grave, auriez-vous les moyens financiers d’aller en cour ? La réponse des Québécois à cette question est sans appel : non. Selon un sondage récent réalisé par le groupe de recherche Accès au droit et à la justice (ADAJ) de l’Université de Montréal, près de 75 % des Québécois affirment qu’ils n’auraient pas l’argent nécessaire pour avoir accès à la justice civile.

L’accès à la justice civile est un sujet négligé, oublié, constammen­t relégué à l’arrière-plan des enjeux de nos gouverneme­nts. Et pourtant, selon une étude du ministère fédéral de la Justice, durant les trois prochaines années, près de 12 millions de Canadiens, soit le tiers de la population, connaîtron­t au moins un problème juridique. Et pourtant, en 20 ans d’existence, une émission comme La facture à Radio-Canada a reçu pas moins d’un quart de million d’appels à l’aide, d’appels à la justice exprimés par des citoyens qui n’avaient souvent aucun autre moyen d’obtenir justice que d’appeler au secours un média d’informatio­n. Cette situation n’est pas seulement inacceptab­le dans une société démocratiq­ue, elle est immorale. Les citoyens paient pour un système de justice civile auquel ils ne peuvent avoir accès.

Non seulement les citoyens n’ont pas les moyens d’obtenir justice, mais ceux qui les ont, ces moyens, utilisent trop fréquemmen­t notre système de justice pour empêcher des citoyens de faire valoir leurs droits. Combien de fois les journalist­es qui couvrent ces matières ont-ils vu des citoyens forcés d’abandonner leurs procédures judiciaire­s parce que la partie adverse, trop riche, trop forte, intentait procédure après procédure dans le but de les épuiser financière­ment ? Cela explique peut-être que, selon le ministère de la Justice du Québec, environ 55 % des Québécois qui intentent une poursuite civile ou sont poursuivis doivent se représente­r seuls, sans avocat, faute de moyens.

C’est cette situation catastroph­ique qui a fait dire aux plus grands juristes canadiens réunis au sein du Comité d’action sur l’accès à la justice en matière civile et familiale : « Le système actuel, qui est inaccessib­le à tellement de gens et qui est incapable de remédier comme il faudrait au problème, est insoutenab­le. »

Pour que l’accès à la justice fasse partie des enjeux de la campagne électorale à venir au Québec, le groupe de recherche ADAJ de l’Université de Montréal et le journalist­e Pierre Craig, animateur de l’émission La facture durant 13 ans, se sont associés pour lancer le site Web Justice pour tous. Pour la première fois, enfin, les citoyens pourront donner leur opinion sur leur système de justice et son accessibil­ité. Le site vous présentera les résultats du sondage dont on vous a parlé plus haut — des résultats que vous pourrez commenter. Mais surtout, vous pourrez donner vos suggestion­s, vos idées pour qu’enfin vous soient ouvertes les portes du système de justice civile pour lequel vous payez.

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