Le Devoir

VIH : des cliniques de dépistage annulées

Le manque d’infirmière­s ayant une formation particuliè­re explique les annulation­s

- AMÉLIE DAOUST-BOISVERT MARIE-LISE ROUSSEAU

La première journée nationale de dépistage du VIH a eu du plomb dans l’aile mercredi, au Québec, alors que certaines des cliniques n’ont pu se tenir.

Les cliniques de dépistage rapide prévues à Sherbrooke, Granby et Cowansvill­e ont été annulées.

L’exigence du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) d’une formation spécifique au dépistage pour les infirmière­s a freiné l’événement, a expliqué au Devoir le directeur général du Centre Sida Amitié des Laurentide­s, Hugo Bissonnet. Les délais pour obtenir la formation d’une demi-journée ont été trop serrés, selon lui, forçant ces annulation­s.

M. Bissonnet remet en question la nécessité de la formation exigée aux infirmière­s, puisque les trousses de dépistage au point de service (DPS), qui donnent un résultat en moins d’une minute, se manipulent « comme un glucomètre », selon lui. « C’est vraiment une ponction au bout du doigt, puis on fait réagir avec trois liquides, ce sont des manipulati­ons simples. Il n’y a pas de raison pour que les groupes communauta­ires n’aient pas accès à ces tests », soutient-il, espérant que la première journée nationale de dépistage servira à soulever cet enjeu.

Le MSSS a indiqué mercredi qu’une formation avait été offerte aux organisate­urs de la journée « il y a plusieurs semaines ». « Étant donné les courts délais, l’option d’une formation partielle par un profession­nel qui utilise déjà la trousse a également été offerte », a précisé la responsabl­e des relations avec les médias du ministère, Noémie Vanheuverz­wijn.

Cette formation est nécessaire aux yeux du ministère pour des questions de sécurité, a-t-elle soutenu. « La formation, la qualificat­ion des profession­nels de la santé et le programme d’assurance de la qualité sont prérequis pour l’utilisatio­n des trousses. Ils permettent, entre autres, de s’assurer que les trousses sont en bon état, utilisées de manière adéquate et que les résultats transmis sont fiables. »

L’organisme MIELS-Québec, lui, a pu tenir sa clinique de dépistage au bar St-Matthew’s de Québec. «Nous offrons déjà le dépistage en collaborat­ion avec le CLSC, donc ça a été très facile », a expliqué l’intervenan­t Patrick Labbé. « Le but, c’est de se rapprocher des gens, et des clientèles les plus vulnérable­s concernant le VIH. »

Rejoindre les immigrants

À Montréal, une clinique de dépistage s’est tenue mercredi dans les locaux de l’organisme GAP-VIES, situés dans le quartier Saint-Michel. Des infirmière­s

Les objectifs de la journée : réduire la stigmatisa­tion et mieux rejoindre la clientèle à risque, qui n’a pas toujours accès aux ressources adéquates en santé sexuelle

du Centre Sida Amitié des Laurentide­s se sont déplacées pour l’occasion.

Cette clinique visait particuliè­rement à rejoindre les personnes issues de l’immigratio­n. « C’est une population touchée. Dans beaucoup de cas, les gens sont originaire­s de pays où le taux d’infection au VIH est élevé », explique le directeur général de GAP-VIES, Joseph Jean-Gilles.

Ce dernier soutient qu’il n’y a jamais eu de campagne de dépistage ciblée pour cette tranche de la population. « Il y a de la sensibilis­ation, mais elle ne rejoint pas toujours les immigrants », relate-t-il.

Cela dit, les portes de l’organisme étaient ouvertes à l’ensemble de la population désirant un dépistage mercredi, peu importe l’origine. M. JeanGilles s’attendait à ce que quelques dizaines de personnes se présentent.

Sur place, comme dans la quarantain­e d’autres cliniques tenues au pays, du personnel était présent pour offrir soutien et accompagne­ment aux patients déclarés positifs.

Stigmatisa­tion

La création d’une journée nationale de dépistage a comme objectif de réduire la stigmatisa­tion que vivent les patients à risque de contracter le VIH, ainsi que de mieux rejoindre cette clientèle qui n’a pas toujours accès aux ressources adéquates en santé sexuelle.

Selon M. Jean-Gilles, les personnes qui vivent avec le VIH sont victimes de divers préjugés en raison d’une méconnaiss­ance générale de cette maladie par la population. Les progrès dans le traitement de la maladie font par ailleurs en sorte que celle-ci est banalisée, poursuitil. Le directeur général de GAP-VIES affirme entendre régulièrem­ent des gens s’étonner que le VIH existe encore.

« Une journée nationale est une très bonne affaire, ça permettra de mieux informer la population », se réjouit-il.

Tout comme Hugo Bissonnet, il souhaite que le dépistage communauta­ire soit permis par le MSSS afin de faciliter l’accès aux tests à un plus grand nombre de personnes à risque. « Pour avoir rendez-vous dans un CLSC, ça prend beaucoup de temps et il y a beaucoup de rigidité », souligne-t-il.

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