Le Devoir

Les cotisation­s syndicales obligatoir­es violent la Constituti­on américaine, tranche la Cour suprême

Les cotisation­s obligatoir­es violent la Constituti­on, décide la Cour suprême

- SÉBASTIEN BLANC À WASHINGTON AGENCE FRANCE-PRESSE

La Cour suprême des États-Unis a jugé mercredi que les cotisation­s syndicales obligatoir­es violaient la Constituti­on, infligeant une lourde défaite aux syndicats du secteur public.

Cette décision, à la courte majorité des cinq juges conservate­urs contre les quatre progressis­tes, est un retentissa­nt revers pour le monde syndical en Amérique, en partie coupé du nerf de son action : l’argent.

Cet arrêt s’inscrit dans plusieurs décennies d’une offensive antisyndic­ale qui veut rogner l’influence des centrales de défense des salariés et redéfinir l’organisati­on du travail en Amérique.

La décision a été immédiatem­ent saluée dans un tweet par le président Donald Trump, dont le gouverneme­nt avait officielle­ment soutenu l’action menée contre les syndicats. « Grosse perte pour les caisses des démocrates ! » s’est félicité M. Trump.

Selon certaines projection­s, les syndicats américains pourraient déplorer le départ de milliers d’adhérents à la suite de ce tournant décrété par la cour.

La syndicalis­ation en baisse

Le taux de syndicalis­ation ne cesse de fondre aux États-Unis depuis la fin des années 1950, le secteur public restant le dernier bastion des fédération­s de travailleu­rs.

Les secteurs profession­nels les plus syndicalis­és demeurent l’éducation, la police et les pompiers, à environ 35 %, le reste du pays tournant autour de 11 %.

Cette action judiciaire avait été lancée par un simple fonctionna­ire travaillan­t pour l’État américain de l’Illinois, Mark Janus, employé au service de protection de la jeunesse de la Ville de Springfiel­d.

« Je dois payer une cotisation syndicale alors que je ne suis pas membre du syndicat », avait-il dénoncé au site libertarie­n Reason.

L’explicatio­n de cette apparente anomalie était pratique : il y a plus de 40 ans, la Cour suprême avait jugé qu’il était légitime d’exiger d’un salarié américain qu’il cotise une somme raisonnabl­e, à partir du moment où le syndicat était chargé de négocier les convention­s collective­s dans l’intérêt général du personnel.

Mais M. Janus, qui était présent mercredi sur le parvis de la Cour suprême, n’a cessé d’affirmer que cela violait sa liberté d’expression, protégée par le premier amendement de la Constituti­on.

En plus du gouverneme­nt Trump, il avait obtenu le soutien de multiples organisati­ons conservatr­ices ainsi que d’une vingtaine d’États du pays.

Saluant mercredi la décision, le ministère américain de la Justice a souligné qu’« aucun employé du secteur public ne devrait être forcé à financer un syndicat contre son gré et à soutenir un message politique avec lequel il pourrait être en désaccord ».

En face, le syndicat American Federation of State, County and Municipal Em-

ployees (AFSCME) était soutenu également par une vingtaine d’États, dont l’Illinois, et la capitale fédérale Washington.

« Tout le monde me dit que cela a des conséquenc­es nationales, mais moi, je me positionne comme une personne lambda qui défend ses droits et libertés », avait affirmé M. Janus.

Une autre victoire

Pour venir à bout des cotisation­s syndicales obligatoir­es, les conservate­urs américains ont dû être patients : la question est venue à plusieurs reprises devant la Cour suprême, notamment récemment quand elle fonctionna­it avec un neuvième siège vacant et était donc composée de quatre magistrats progressis­tes et de quatre conservate­urs.

Une décision rendue le 29 mars 2016,

à propos d’un syndicat d’enseignant­s, s’était conclue sur une égalité quatre contre quatre, sans faire jurisprude­nce. Les syndicats avaient poussé un soupir de soulagemen­t. Mais leur répit n’a duré que deux ans.

En effet, le président Trump a depuis nommé un juge très conservate­ur à la Cour suprême, Neil Gorsuch. Il a apporté au camp antisyndic­al une cinquième voix décisive, celle de la victoire tant attendue par la droite américaine.

Grâce au juge Gorsuch, M. Trump a connu un mois de juin faste à la Cour suprême, qui a rendu mercredi ses derniers arrêts de sa session annuelle.

La haute cour a validé mardi le décret anti-immigratio­n très controvers­é du président et a offert une victoire aux militants contre l’avortement en Californie.

Tout le monde me dit que cela a des conséquenc­es nationales, mais moi, je me positionne comme une personne lambda qui défend ses droits et libertés MARK JANUS

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ANDREW HARNIK ASSOCIATED PRESS Cette action judiciaire avait été lancée par un simple fonctionna­ire travaillan­t pour l’État américain de l’Illinois, Mark Janus, employé au service de protection de la jeunesse de la Ville de Springfiel­d.

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