Le Devoir

L’affranchis­sement de Jill Barber

La chanteuse se présente pop, féministe et tout en contrôle de ce qu’elle veut faire

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ En spectacle au Festival internatio­nal de jazz de Montréal le 28 juin au Gesù, à20h

C’est bien le même numéro de téléphone à Vancouver. La même voix au cellulaire. La même attention dans la discussion. Et pourtant, la Jill Barber qui parle en cette mi-juin n’est plus exactement la même que celle rencontrée lors de son dernier passage au Québec.

La différence se mesure pleinement dans le son de son nouvel album, Metaphora. Si on a découvert l’auteure-compositri­ce-interprète canadienne par son versant folk il y a une bonne décennie, et si c’est son incursion dans une pop-jazz rétro qui l’a réellement propulsée par la suite, on la trouve cette fois sur le territoire de la chanson pop. Changement de ton complet.

Mais la différence se situe surtout ailleurs. Dans le propos, dans les préoccupat­ions. Jill Barber s’est affranchie — comme artiste, et comme femme.

« J’ai passé ma vingtaine à me démener. En tant que femme dans le milieu de la musique, il y avait une forme de jeu et j’ai joué mon rôle de femme. Et maintenant, j’ai envie d’écrire mes propres règles. D’affirmer mon pouvoir comme femme. Je ne me sens plus vulnérable, et j’ai voulu que plusieurs chansons du disque expriment cela. »

C’est notamment le thème de Girl’s Gotta Do, dont elle offre aussi une version française (Une femme doit faire). C’est aussi le sous-texte de Bigger Than You, qui raconte une relation vécue avec « un homme puissant dans l’industrie qui a essayé de me manipuler », dit-elle. « J’avais le sentiment que c’était normal à l’époque, mais rétrospect­ivement, ça ne l’était pas. »

Influencée par le mouvement #MoiAussi, Jill Barber ? Absolument, et pas seulement dans son écriture. « Tout est arrivé en même temps, dit-elle. C’est comme s’il y avait eu une convergenc­e entre ce que je vivais et ce dont la société discutait. L’album parle autant de notre époque — ce murmure qui est devenu un cri collectif — que de mon expérience comme femme. »

Elle raconte avoir traversé quelques épreuves depuis la sortie de Fool’s Gold, en 2014. Un épisode d’épuisement, notamment. Puis la prise de conscience qu’à la mi-trentaine, il était temps de prendre ce tournant profession­nel qui l’a rapprochée d’elle-même.

Évolution

« Je sais que le public va trouver qu’il y a un grand changement dans mon univers musical, dit-elle. Mais pour moi, c’est vraiment une évolution — et je n’ai jamais vu l’utilité de faire la même chose deux fois. J’approche chaque disque comme un nouveau chapitre, et je veux grandir avec. Je pense aussi que la première personne qui doit aimer ma musique, c’est moi. Autrement, je ne pourrais pas transmettr­e ce qu’il y a à transmettr­e. »

Mais au-delà de la musique, le public remarquera au moins deux autres éléments définissan­t la nouvelle Jill Barber.

D’abord, elle a embauché un tout nouveau groupe, et celui-ci est majoritair­ement composé de femmes. Ce qui, dans le milieu, est une rareté absolue. « J’ai embauché deux femmes — à la batterie et à la guitare ! s’étonnet-elle. Avec moi sur scène, on est trois sur cinq. Et ça change mon énergie, toute la dynamique est différente. C’est la première fois que je fais ça, et ça découle d’une réflexion: si je ne mets pas mes principes féministes en applicatio­n, qui le fera ? C’est moi qui embauche les musiciens. »

Et ensuite? C’est la fin des talons hauts sur scène. « C’est quasiment un geste politique! Mais c’est terminé.

Lower shoes, higher women !»

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Gold, en 2014. Un épisode d’épuisement, notamment.
CANDACE MEYER Jill Barber raconte avoir traversé quelques épreuves depuis la sortie de Fool’s Gold, en 2014. Un épisode d’épuisement, notamment.

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