Le Devoir

La Saskatchew­an étoffe ses arguments contre la taxe carbone

Le plan d’Ottawa sera néfaste pour l’économie, affirme le gouverneme­nt de Scott Moe

- FRANÇOIS DESJARDINS

La Saskatchew­an se braque davantage contre la tarificati­on du carbone. En plus de la contestati­on juridique à l’égard du projet d’Ottawa, son gouverneme­nt brandit une étude universita­ire selon laquelle cette stratégie de lutte contre les changement­s climatique­s plombera son économie en plus d’être inefficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Une taxe carbone à 50 $ la tonne — ce que le gouverneme­nt Trudeau vise pour 2022 — aurait pour effet de réduire le produit intérieur brut de 2,4%, selon l’étude de l’Institut de l’énergie, de l’environnem­ent et des communauté­s durables de l’Université de Regina.

Pris au sens large de 2019 à 2030, cela représente­ra un coût total de 16 milliards, soit 1,8 milliard par année, pour une économie provincial­e largement axée sur les ressources naturelles et relativeme­nt volatile. Le PIB de la province avoisine 60 milliards.

La Saskatchew­an affirme qu’Ottawa n’a pas tenu compte des provinces où se trouvent des secteurs à haute teneur énergétiqu­e.

Le ministère fédéral de l’Environnem­ent a indiqué au mois d’avril que, selon sa propre analyse, la tarificati­on du carbone dans les provinces n’ayant pas encore leur propre plan — contrairem­ent au Québec et à l’Ontario, lequel veut l’abandonner — aurait un impact de 2 milliards en 2022, soit 0,1 % de la croissance annuelle du PIB.

L’évolution inégale des cours du pétrole au cours des dernières années a eu un effet marqué sur la croissance économique de la Saskatchew­an, qui attend un gain de 1,3 % de son PIB en 2018, suivi de 2,5 % et de 2,6 % les deux années suivantes.

« Le gouverneme­nt fédéral a significat­ivement sous-estimé l’impact économique de sa taxe carbone et surestimé les réductions de GES », a affirmé le ministre de l’Environnem­ent, Dustin Duncan. « Ce modèle, nouveau et rigoureux, laisse entrevoir des milliards de moins en PIB, ce qui se traduit par des industries moins compétitiv­es et moins d’emplois. C’est exactement la raison pour laquelle nous n’avons jamais appuyé la taxe et la contestons devant les tribunaux. »

Selon le ministère, l’étude conclut que la tarificati­on du carbone, pièce maîtresse tant à Québec qu’à Ottawa pour atteindre les objectifs de diminution des émissions de GES, n’entraînera qu’une baisse de moins d’une mégatonne, soit 1,25 % du total.

Le Québec, l’Ontario et la Californie géraient jusqu’à récemment un système unifié de plafonneme­nt et d’échange de droits d’émissions. Le premier ministre désigné de l’Ontario, Doug Ford, a cependant annoncé son intention de quitter le système, au grand dam des entreprise­s qui ont dépensé des milliards pour acheter des droits depuis son entrée en vigueur.

Le système québécois de vente aux enchères de droits d’émissions permettrai­t d’amasser 3,3 milliards au total d’ici 2020, une somme versée au Fonds vert, dont le but est d’appuyer des initiative­s durables.

Le plan stratégiqu­e d’Ottawa consiste à donner aux provinces jusqu’à la fin de 2018 pour se doter d’un plan de tarificati­on du carbone, à défaut de quoi il promet d’en imposer un à celles qui se montreraie­nt réfractair­es. En Alberta, l’opposition conservatr­ice s’est également érigée contre le plan. Le Manitoba y a songé, mais a changé d’idée après avoir demandé et reçu un avis juridique concluant essentiell­ement qu’une contestati­on juridique contre Ottawa ne mènerait nulle part.

Le gouverneme­nt fédéral a significat­ivement sous-estimé l’impact économique de sa taxe carbone et surestimé les réductions de GES DUSTIN DUNCAN

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