Le Devoir

Victoire pour quatre victimes d’intimidati­on

Le Protecteur du citoyen demande au ministère de l’Éducation de rouvrir leurs dossiers et de revoir ses procédures

- JESSICA NADEAU

L’école a toujours utilisé cette réponse du ministère qui dit qu’ils n’ont pas enfreint la loi pour se justifier CHRISTINE GINGRAS

Le Protecteur du citoyen constate des lacunes dans le traitement des plaintes liées à des cas d’intimidati­on dans les écoles privées et demande au ministère de corriger le tir.

Des dossiers incomplets, une absence de balises pour déterminer quels dossiers doivent être soumis à une enquête, des communicat­ions qui laissent présumer qu’il y a eu enquête alors que ce n’est pas le cas et l’absence d’un processus clair pour le traitement des plaintes visant les écoles privées, ce sont là les constats du bureau du Protecteur du citoyen, en réponse aux plaintes de quatre mères d’enfants victimes d’intimidati­on dans une école privée.

« Enfin, le Protecteur du citoyen corrobore ce qu’on dénonce depuis des années, à savoir qu’il n’y a pas de réel processus de traitement des plaintes par le ministère lorsqu’une école privée n’applique pas son plan de lutte contre l’intimidati­on », s’exclame Christine Gingras, qui parle au nom des quatre plaignante­s.

Insatisfai­te des mesures prises par l’école pour assurer la sécurité des enfants, Mme Gingras a multiplié les démarches auprès de la direction, qui a fini par résilier son contrat.

Elle a porté plainte auprès du ministère de l’Éducation, qui en est venu à la conclusion que « l’établissem­ent n’avait pas enfreint la loi », qu’il y avait un plan de lutte contre l’intimidati­on et que celui-ci avait été appliqué.

Le ministère écrivait qu’il s’agissait d’un conflit « de nature locale », que c’était aux parents et à la direction d’en venir à une solution, et concluait en leur souhaitant « bonne chance ».

Enquête

L’enquêtrice au bureau du Protecteur du citoyen estime que Québec n’a pas bien fait ses devoirs. Elle demande au ministère de rouvrir le dossier des quatre plaignante­s et de revoir ses procédures.

« Nous avons demandé au ministère d’élaborer et mettre en oeuvre une politique de traitement des plaintes à l’égard des établissem­ents d’enseigneme­nt privés […] afin de mettre en place un processus uniforme », écrit-elle dans un rapport envoyé aux plaignante­s le 29 juin.

Elle note que le ministère « a agi de façon raisonnabl­e en vérifiant si l’établissem­ent possédait un plan de lutte contre l’intimidati­on », mais ajoute que la loi prévoit la possibilit­é de confier le dossier au ministre pour enquête lorsqu’il y a raison de croire que la sécurité physique ou psychologi­que de l’enfant est en cause.

Or, le ministère a décidé de ne pas transmettr­e les dossiers pour enquête, sans pouvoir donner de justificat­ions. « Nous avons recommandé au ministère qu’il se dote de balises lui permettant de déterminer à quel moment il devient justifié de transmettr­e le dossier au ministre pour décision quant à la tenue d’une enquête », écrit-elle encore.

Elle note également que « plusieurs vérificati­ons et démarches ont été effectuées par le ministère » avant d’en arriver à la conclusion que le plan de lutte avait été correcteme­nt appliqué, mais qu’il n’a pas été possible de vérifier ce qui a été fait, «puisque le contenu des échanges, écrit ou verbal, avec l’établissem­ent et autres interve- nants n’a pas été consigné au dossier de plainte ».

Le Protecteur rappelle également au ministère que, « lorsqu’il choisit d’adopter un rôle de médiateur, il doit s’assurer de demeurer neutre et impartial dans le cadre de ses interventi­ons et que, lorsqu’une entente n’est pas possible entre les parties, ce dernier ne devrait que constater l’échec de la médiation sans exprimer sa position officielle, que peut laisser présumer, dans certaines situations, [la mention] qu’il a “enquêté” au sens de la loi ».

Pour Mme Gingras, c’est là la pièce maîtresse de ce rapport. « L’école a toujours utilisé cette réponse du ministère qui dit qu’ils n’ont pas enfreint la loi pour se justifier. Or, on apprend aujourd’hui que le ministère n’aurait pas dû écrire ça puisqu’il n’y a pas eu d’enquête. »

Les plaignante­s sont satisfaite­s, mais réclament des excuses et « des mesures de réparation afin que nos enfants retrouvent la confiance dans les institutio­ns et rétablisse­nt leur sain développem­ent que le ministère a contribué, de pair avec l’école privée, à compromett­re ».

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