La canicule est maintenant terminée, mais le bilan s’est alourdi : 38 morts
Les équations employées aux États-Unis ou en France sont différentes
Mercredi soir, 18 h, Windsor. Le thermomètre affichait 31 °C et l’indice humidex atteignait 44. La canicule n’épargnait donc pas le sud de l’Ontario. Tout naturellement, à Detroit, ville américaine séparée de sa voisine canadienne par un petit kilomètre d’eau que l’on franchit par un tunnel ou l’Ambassador Bridge, il faisait aussi chaud: 32 °C. Pourtant, le ressenti, lui, était évalué par les États-Unis à seulement 34. Une différence de dix points sur l’échelle de la perception. Les Canadiens souffriraient-ils de surenchère météorologique ?
Le facteur humidex est une invention canadienne ayant vu le jour en 1965 (ou en 1979, selon la source consultée) et qui prend en compte le taux d’humidité dans l’air. Le principe est que le corps humain régule sa température en transpirant. Il se débarrasse de l’énergie excédentaire en faisant évaporer de la sueur.
Quand l’air est saturé d’eau, l’évaporation et donc le refroidissement deviennent plus difficiles. C’est ce niveau d’inconfort que mesure l’humidex. Entre 40 et 45, il y a une sensation de malaise généralisée, entre 46 et 54, les activités physiques sont jugées dangereuses, et à plus de 54, il existe un risque sérieux de coup de chaleur.
« L’humidex n’est pas trompeur. C’est une tentative raisonnable de dire aux gens comment ils pourraient se sentir s’ils sont dehors en train de jouer au tennis. Mais d’un point de vue scientifique, ce n’est pas un chiffre que j’utiliserais », lance Peter Taylor, professeur de sciences atmosphériques à l’Université York.
En effet, on dit de l’indice humidex qu’il est un nombre « sans dimension », c’est-à-dire qu’il n’a pas d’unité. Il est factuellement incorrect de dire qu’« avec le facteur humidex, il fait 44 degrés ». L’humidex est une valeur repère, pas une température.
L’indice humidex a remplacé le taux d’humidité relative qu’on utilisait autrefois dans les bulletins météo parce qu’il est jugé plus représentatif. « L’humidité relative indique combien de vapeur d’eau il y a dans l’air par rapport à la quantité de vapeur d’eau que l’air, dans les conditions données, peut contenir avant que ne se forment du brouillard ou des nuages. C’est un pourcentage », explique M. Taylor.
Or, ce taux ne signifie pas la même chose selon les saisons. Dans un air froid, il suffit de très peu d’humidité pour atteindre un taux de 70-80 %. À l’inverse, comme l’air chaud peut contenir beaucoup plus de vapeur d’eau avant d’atteindre son point de saturation, un taux de 40-50 % peut être très inconfortable.
L’humidex se calcule à partir du point de rosée, une valeur indiquant à quelle température la plus basse une masse d’air peut être soumise sans qu’il se produise de condensation. Cela injecte dans l’équation la dose de relativité recherchée. Aux États-Unis, il existe différents calculs du « ressenti », prenant en compte différentes données. Les plus fréquents sont le RealFeel, la formule brevetée du réseau AccuWeather, et le Heat Index, utilisé par le National Weather Service, le pendant américain d’Environnement Canada. Les deux ont débouché sur une valeur de 34 à Detroit mercredi soir. Il existe d’autres indices, appelés Humisery (contraction des termes anglais pour « humidité » et « misère »), le Summer Simmer Index (SSI) ou encore le Humiture.
Selon tous les spécialistes auxquels
Le Devoir a parlé, l’indice humidex n’est utilisé qu’au Canada. « Les équations employées aux États-Unis ou en France sont différentes», confirme Gérald Cheng, météorologue à Environnement Canada. Mais qu’en est-il des pays tropicaux ? Calculent-ils aussi l’inconfort ressenti? «Je ne sais pas pour les autres pays, mais moi, personnellement, je viens de Hong Kong, et je sais qu’on n’y utilise pas d’humidex du tout parce que le climat y est humide tout le temps. »
Le climatologue en chef à Environnement Canada, David Phillips, estime que l’indice humidex est similaire au facteur vent. «Nous allons toujours pour la valeur qui semble la pire ! » Il ne le dénigre pas pour autant, car il incite les gens à ne pas se surmener pendant une canicule et à surveiller les personnes vulnérables de leur entourage. « Si on y arrive avec un 39 plutôt qu’un 32, je suis pour ! » lance-t-il.
En tant que scientifique, il se dit un peu partagé. « D’un côté, je reconnais que nous devrions être purs, scientifiques, et ne pas effrayer les gens. Mais de l’autre, si cela les amène à pécher par excès de prudence, je suis en faveur. »
La météo, c’est relatif
La relativité de la température s’illustre aussi dans les avertissements de chaleur accablante ou de froid extrême émis par Environnement Canada. Le seuil d’alerte varie selon la région du Canada où l’on se trouve.
Par exemple, en Alberta, une alerte sera donnée si la température atteint 29 °C deux jours d’affilée sans redescendre sous la barre de 14 la nuit. En Ontario, c’est plutôt 31 °C le jour et 20 °C la nuit, ou un humidex de 40 pendant deux jours. Au Québec, il faut qu’il fasse 30 °C et que l’humidex atteigne 40, et ce, pendant une heure.
M. Cheng explique cette disparité par le fait que ces seuils sont élaborés en collaboration avec les provinces, les municipalités et les autorités de santé publique locale, qui ont chacune leurs critères. « Ça dépend aussi des conditions auxquelles le public s’habitue. Par exemple, ça arrive tout le temps dans le sud-ouest de l’Ontario. C’est pour cela que les minimums [requis] sont plus élevés. »
L’humidité relative indique combien de vapeur d’eau il y a dans l’air par rapport à la quantité de vapeur d’eau que l’air, dans les conditions données, peut contenir avant que ne se forment du brouillard ou des nuages. C’est un pourcentage.