Une héroïne très discrète
Le retour du héros réunit Mélanie Laurent et Jean Dujardin en duo affabulateur dans la France napoléonienne
Le capitaine Charles-Grégoire Neuville vient de demander la main de la belle Pauline Beaugrand. Acceptée d’office par des parents ravis, la requête est reçue par l’aînée Élisabeth avec la résignation amusée propre à ceux qui voient ce qui échappe aux autres. Dans le cas de Neuville, on parle d’une propension à la tromperie et à la lâcheté. Qu’à cela ne tienne, Élisabeth n’a pas le temps d’esquisser un sourire sibyllin que Neuville est déjà au front dans l’armée de Napoléon. Laissée sans nouvelles de son fiancé, Pauline s’étiole. Tant et si bien qu’Élisabeth décide de lui écrire en feignant d’être Neuville, qui finit par mourir en héros sous sa plume. Le temps passe, Pauline en épouse un autre… Puis voici que reparaît un Neuville gueux, mais bien vivant, au grand dam d’Élisabeth. Coécrit et réalisé par Laurent Tirard,
Le retour du héros part d’une prémisse amusante et mélange les influences diverses, de Jane Austen (les deux soeurs sont conçues comme des satires de celles de Raison et sentiments) aux films d’aventures à costumes de Philippe De Broca (Cartouche, Chouans !) et JeanPaul Rappeneau (Cyrano de Bergerac, Le hussard sur le toit).
Passionnante héroïne
Ce qui plaît surtout, cela dit, c’est qu’en dépit de son titre, le film a en son centre une héroïne passionnante: Élisabeth. Seule par choix, comme elle le signale à un Neuville convaincu à tort que ses charmes agissent sur elle, Élisabeth a créé de toutes pièces un personnage à partir de la simple identité de Neuville de manière à redonner le goût de vivre à sa soeur.
Toutefois, la première s’est prise au jeu et le retour inopiné du vrai Neuville, un pleutre et un séducteur un rien benêt, a l’heur de compromettre son « oeuvre ».
De là, les échanges spirituels se succèdent entre une Mélanie Laurent merveilleusement tranchante et un Jean Dujardin plus convenu dans un rôle cousu main.
Elle : « Ce panache, cette audace, ce courage extraordinaire… » Lui : « Qui, ça?» Elle: «Pas vous, justement!» Suave.
En filigrane, le cinéaste et son coscénariste habituel Grégoire Vigneron brodent un commentaire sur le septième art tiraillé, ou lorsque le cinéma est tiraillé entre ambition et facilité. Elle : « Vous faites de ma création une caricature ! Mon Neuville était fin, intelligent… » Lui : « Oui, mais ça plaît ! Tout le monde l’aime ! »
Un dilemme que le film ne tente pas de résoudre, cela étant, préférant à l’instar de Neuville jouer sur les deux tableaux évoqués : la caricature dans l’exécution et la finesse, l’intelligence dans le discours (la plupart du temps). Une prédilection pour la farce n’en prévaut pas moins.
Pris pour ce qu’il est, le film, qui ne manque ni d’élégance ni de vivacité, fonctionne bien. On ne peut, hélas, s’empêcher d’y déceler un potentiel inexploité, en dépit de plusieurs belles trouvailles, quant à la relation entre la créatrice et sa créature.
Mais pour aller plus loin, peut-être les coauteurs auraient-ils été avisés de se trouver une Élisabeth pour écrire avec eux.