Ce que racontent les timbres
FICTION AMÉRICAINE La vie secrète d’Elena Faber ★★★
Jillian Cantor, traduit de l’anglais par Pascale Haas, Préludes, Paris, 2018, 384 pages
Du Choix de Sophie à Elle s’appelait Sarah, les romans sur l’Holocauste se révèlent souvent fort efficaces lorsqu’ils sont structurés sous forme de sauts épisodiques entre passé et présent. Cette construction recèle toutefois son lot de défis, les auteurs risquant à tout moment, par cet enchevêtrement d’intrigues et par l’exploitation d’un thème plus de mille fois revisité, de tomber dans le didactisme ou le manichéisme.
Jilian Cantor, dont La vie secrète d’Elena Faber est le premier roman traduit en français, évite avec adresse ces nombreux pièges et offre un récit efficace et rythmé — bien qu’un tantinet convenu — sur la mémoire, la puissance de l’amour et le courage de ses convictions, étayé d’une exhaustive et fascinante recherche historique.
L’auteure s’intéresse à un pan peu documenté de la Seconde Guerre mondiale, soit le rôle des timbres dans la résistance et la fabrication de faux papiers d’identité par les maîtres graveurs pour permettre aux Juifs d’Autriche de traverser la frontière.
Alors que les premiers marteaux s’abattent sur le mur de Berlin, Katie Nelson, jeune Californienne en instance de divorce, découvre dans la maison familiale une riche collection de timbres appartenant à son père. Dans cette dernière se trouve une lettre scellée datant de la Deuxième Guerre mondiale, ornée d’un mystérieux timbre autrichien dans lequel est camouflé un edelweiss, «symbole d’une audace peu commune».
Pour quelle raison cette fleur a-telle été ajoutée à un timbre qui était déjà en circulation? Que contient cette lettre que son père a conservée cachetée durant toutes ces années? Ces questions entraînent Katie au coeur de la Nuit de cristal et de l’atelier du réputé maître graveur juif Frederick Faber et de son jeune apprenti, le doux et romantique Kristoff.
Cantor exploite habilement la tension émotive de ses personnages et tisse, à une cadence pour le moins cinématographique, les fils de ses différents récits jusqu’à leur convergence. Une excellente lecture de vacances qui plaira assurément aux amateurs du genre.