Le Devoir

Un autre art de vivre à la scandinave

Après le hygge, la recette du bonheur selon les Danois, il faut compter maintenant sur le sisu, l’art du courage à la finlandais­e !

- JOËLLE CURRAT COLLABORAT­RICE LE DEVOIR

La Finlande, vous connaissez? Patrie du compositeu­r Jean Sibelius, des cinéastes Aki et Mika Kaurismäki, de l’auteure Sofi Oksanen (Purge) et des joueurs de hockey Saku Koivu et Jesperi Kotkaniemi, lequel a récemment été sélectionn­é par le Canadien. La population de ce pays, situé au nord-est de la Scandinavi­e, vient d’être désignée comme la plus heureuse au monde, selon un classement établi par les Nations unies en 2018.

Le secret du bonheur et de la réussite selon les Finlandais pourrait résider dans cette qualité qu’ils nomment sisu (prononcez «cisou»). Comment la définir? Ce terme, qui n’a pas d’équivalent exact en français, désigne un mélange de courage, de résilience, d’audace, de ténacité et de persévéran­ce. Selon la journalist­e finlandais­e Joanna Nylund, auteure de Sisu, l’art finlandais du courage (en librairie dès le 26 septembre), ce trait de caractère élevé au rang de vertu aurait façonné le destin de la nation, devenue indépendan­te de la Russie en 1917, et la vie des Finlandais. Une histoire marquée par la pénurie et par la nécessité de domestique­r un environnem­ent hostile au climat très rigoureux. On connaît ça…

Tous les humains possèdent cette force intérieure. Nous, les Finlandais, » l’avons simplement identifiée et formulée. JOANNA NYLUND

La force est en toi

Le mot sisu provient d’un vocable finnois qui se réfère à la notion d’intériorit­é, aux intestins. Il pourrait donc être traduit par le mot anglais guts, bien que ce terme soit insuffisan­t pour qualifier tout ce que sisu renferme. «C’est plutôt une réserve de carburant, une force intérieure, dont on ignorait l’existence et qui se manifeste en temps de crise ou lorsqu’on doit relever un défi», explique Joanna Nylund. Les Finlandais y ont recours aussi dans leur vie quotidienn­e, quand, selon la tradition, il s’agit de se jeter dans de l’eau glacée par moins 20 degrés ou lorsqu’il faut fournir un effort supplément­aire à la fin d’une journée de travail. «Moi, j’invoque mon sisu pour me lever et aller courir, alors que je préférerai­s rester couchée sur mon divan!» commente Joanna. Complexe et multiple dans sa définition et ses applicatio­ns, le sisu est aussi une attitude sans compromis faite d’intégrité à toute épreuve et d’humilité face au succès.

En Finlande, le sisu ne s’enseigne pas à l’école. «C’est plutôt un code culturel, un état d’esprit propre à cette région du monde», explique Tuulikki Olander, coordinatr­ice, diplomatie publique et communicat­ion à l’ambassade de Finlande à Ottawa. À la veille d’un examen ou d’une compétitio­n sportive, par exemple, les parents encouragen­t leurs enfants à trouver leur sisu — leur motivation — à l’intérieur d’eux-mêmes.

Est-il toutefois possible d’apprendre à se connecter à cette part d’invincibil­ité même si l’on n’est pas né en Finlande? «Vu l’intérêt accru suscité par le sisu, on trouve aujourd’hui plusieurs ouvrages écrits par des auteures finlandais­es et traduits partout dans le monde qui expliquent comment le développer», indique Mme Olander. Pour Joanna Nylund, le sisu est universel. «Tous les humains possèdent cette force intérieure. Nous, les Finlandais, l’avons simplement identifiée et formulée. La clé pour se connecter à elle et l’amplifier, c’est de ne pas se laisser distraire par toutes les sollicitat­ions extérieure­s. Rechercher la solitude et le silence, aller dans la nature, passer des moments seul avec soi-même… voilà le point de départ!»

Il est où, le bonheur ?

Qu’est-ce que le bonheur pour les Finlandais? Selon un récent sondage cité dans le livre de Joanna Nylund, cette population privilégie la tranquilli­té, la liberté, l’ordre, l’équité et le contact avec la nature. Et une qualité de vie axée sur le bien-être et la conviviali­té. «En tant que nation, nous avons traversé beaucoup d’épreuves et avons atteint les buts que nous nous étions fixés. Nous devons ce progrès au sisu collectif, au courage et à la déterminat­ion des génération­s qui nous ont précédés», indique-t-elle.

Les pays scandinave­s sont souvent cités en exemples à bien des égards. On sait que leur système politique, notamment en matière de services sociaux et d’éducation, fait l’envie de beaucoup de nations à travers le monde. Mais c’est aussi leur façon de vivre, un mélange de rigueur et de décontract­ion, qui nous séduit. Après le hygge (confort et authentici­té) des Danois et le lagom (modération) des Suédois, le sisu des Finlandais pourrait bien constituer une nouvelle source d’inspiratio­n à l’étranger.

 ?? OLIVIER MORIN AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Un homme amène son fils à la pêche sur la mer de Botnie, gelée en plein mois de mars. Selon un sondage cité dans le livre de Joanna Nylund, les Finlandais privilégie­nt la tranquilli­té, la liberté, l’ordre, l’équité et le contact avec la nature.
OLIVIER MORIN AGENCE FRANCE-PRESSE Un homme amène son fils à la pêche sur la mer de Botnie, gelée en plein mois de mars. Selon un sondage cité dans le livre de Joanna Nylund, les Finlandais privilégie­nt la tranquilli­té, la liberté, l’ordre, l’équité et le contact avec la nature.

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