Le VieVinum est plus dynamique que jamais !
Je n’ai jamais mis les pieds en Suisse bien que je reconnaisse l’excellence de ses chasselas. Les volumes y sont de toute façon si confidentiels qu’ils donnent l’impression de siroter secrètement une production élevée au rang de l’or liquide. Je connais par contre mieux l’Allemagne, mais aussi, et de plus en plus, l’Autriche, où j’étais récemment invité à célébrer le 11e salon bisannuel VieVinum, au coeur même de la proprette ville de Vienne.
Les meilleurs producteurs des cinq grandes régions vitivinicoles d’Autriche (Niederrösterreich, Burgenland, Steiermark, Wien et Bergland) y tiennent salon à même le rutilant palais Hofburg, alors qu’une batterie de séminaires très pointus animés par des sommités internationales traquent les dernières tendances en matière de législation autrichienne, de techniques viticoles ou d’autres adéquations cépages-terroirs en vogue, sans oublier d’ancrer dans le réel cette notion même de «minéralité» qui relève désormais de la pataphysique tant elle déjoue les interprétations. Bref, le contexte est peut-être un rien savant, mais diable que les vins du pays de Mozar t sont d’une colorature à vous faire titiller le frisson là où le dos perd son nom !
Classification en évolution
Les Autrichiens sont des gens sérieux. Côté législation, ils en rajoutent même une couche. Une obsession qui fera le bonheur d’amateurs aguerris comme de sommeliers abonnés aux trucs compliqués. Si l’Italien applique les règles pour mieux les contourner éventuellement, l’Autrichien, lui, s’autorégule jusqu’à la dernière virgule sans jamais s’accorder de point final dans sa quête de l’excellence. Freud aurait aimé.
C’est le cas par exemple de l’Österreichischen Traditionsweingüter — l’Association des maisons autrichiennes traditionnelles de vin — qui, dès 1992, se proposait de circonscrire et de classer les meilleurs vignobles de la région du Danube, soit les DAC (zones viticoles spécifiques) Kamptal, Kremstal, Traisental et Wagram. Cinquante-trois vignobles sortaient ainsi du lot lors de la «Klassifikation 2010» en s’affichant désormais comme l’équivalent de «1er Cru» (Erste Lagen).
Mais attention! Comme je le mentionnais, on n’en est pas à une virgule près! Sans cesse réévaluée et remise en question, cette même reconnaissance, basée sur la capacité d’un terroir à livrer bon an, mal an les meilleurs fruits, aboutissait, en 2018, à la certification officielle de 60 vignobles spécifiques s’affichant désormais comme «1er Cru». Ce «travail en cours» devrait aboutir, dans 5 à 10 ans, à une nouvelle remise en question débouchant (ou non) sur une certification en «Grosse Lage» (l’équivalent de «Grand Cru»). Résumons: les «Reid» ou «Lage» tapissent le bas de la pyramide qualitative alors que les «Erste Lagen» (15%) en sont le coeur et que les «Grosse Lage» (5%) chapeautent le tout. Le tout bien sûr étant mentionné sur l’étiquette.
Découverte
Plusieurs découvertes au salon VieVinum, dont Monsieur blaufränkisch luimême. Son nom? Roland Velich de la Weingut Moric dans le Burgenland. Homme de tête, homme de coeur, homme de conviction, il n’est pas du genre à se faire piler sur les arpions. Homme de terrain avant tout, c’est à se demander s’il n’est pas lui-même la réincarnation d’un vieux cep de blaufränkisch qui aurait troqué la personnalité variétale du cépage pour l’un des nombreux terroirs qui lui confèrent des personnalités encore jusquelà insoupçonnées. Pas reposant, le Roland, mais diablement intense et sincère. À l’image de ses vins! Rendements faibles et bichonnage à la bourguignonne pour des vins intenses, tendus, vivants et profonds. Outre ses superbes cuvées Necken Markt et
Lutzmanns Burg (sur assises volcaniques) disponibles en I.P. (réZin, au 514 937-5770), débouchez sa bouteille de Moric Reserve Blaufränkisch 2014 (51$ – 13536365), un rouge qui a de la poigne mais aussi de la finesse et un sacré goût de terroir! (5 +) © ★★★★
Diable que les vins du pays de Mozart sont d’une colorature à vous faire titiller le frisson là où le dos perd son nom !