Le Devoir

La guerre entre les États-Unis et la Chine est commencée

- ÉRIC DESROSIERS LE DEVOIR

Les États-Unis et la Chine s’échangent les assauts de ce que d’aucuns considèren­t déjà comme le début de « la plus grande guerre commercial­e de l’histoire économique ».

Comme attendu, le gouverneme­nt de Donald Trump a confirmé, dans la nuit de jeudi à vendredi, l’imposition de tarifs douaniers de 25% sur des biens importés de la Chine d’une valeur annuelle de 34 milliards de dollars américains. Il souhaite ainsi obliger Pékin à changer ses pratiques commercial­es à l’égard, notamment, des compagnies étrangères en matière de difficulté d’accès à son marché intérieur et de transfert forcé de propriété intellectu­elle. Comme promis, la Chine a immédiatem­ent annoncé qu’elle entendait frapper des importatio­ns provenant des États-Unis de contre-mesures commercial­es d’une valeur égale.

Le président américain a rappelé jeudi que d’autres sanctions contre des importatio­ns chinoises d’une valeur de 16 milliards entreraien­t en vigueur probableme­nt d’ici deux semaines et que s’il venait aux Chinois l’idée de répondre aux mesures américaine­s, il était prêt à ajouter à ces premiers 50 milliards une autre volée de tarifs sur 200 milliards d’importatio­ns, et de rajouter, au besoin, encore 200 ou 300 milliards. «OK? Ça nous fait 50, plus 200, plus presque 300 », a résumé jeudi Donald Trump aux journalist­es qui commençaie­nt à perdre le compte. On les comprend, le total des importatio­ns chinoises aux États-Unis s’étant élevé l’an dernier à 506 milliards.

La Chine a accusé vendredi le gouverneme­nt Trump d’avoir lancé «la plus grande guerre commercial­e de l’histoire économique ». En plus d’annoncer sa première série de représaill­es, elle a porté l’affaire devant l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC). Ces nouvelles sanctions contre la Chine s’ajoutent à celles récemment appliquées contre elle aux États-Unis dans l’acier et l’aluminium, les machines à laver et les panneaux solaires, sans compter les nouvelles restrictio­ns imposées à ses investisse­ments et à l’entrée de ses ressortiss­ants.

Afin d’éviter de toucher directemen­t les consommate­urs américains, les tarifs appliqués depuis vendredi par Washington visent l’importatio­n de biens industriel­s intermédia­ires chinois, comme des pièces d’avion et de voitures élec- triques ou encore de l’équipement lourd utilisé en agricultur­e, dans la constructi­on et dans le secteur minier. Comme d’autres pays avant elle, la Chine a cherché, quant à elle, à ce que ses représaill­es fassent mal à la base électorale du président américain, en frappant notamment des produits agricoles, l’industrie automobile et le bourbon.

Du jamais vu depuis les années 30

Cette bataille de titans qui s’amorce entre les deux premières économies mondiales s’annonce comme la plus importante campagne de la guerre lancée par Donald Trump contre un ordre commercial internatio­nal que le président qualifie de fondamenta­lement biaisé contre son pays. Depuis son entrée à la MaisonBlan­che, il y a seulement un an et demi, le chef américain a notamment sorti son pays du Partenaria­t transpacif­ique et forcé la réouvertur­e de l’Accord de libreéchan­ge nord-américain (ALENA), en plus d’imposer au monde entier des tarifs sur l’acier et l’aluminium et de le menacer aujourd’hui de sanctions plus douloureus­es encore dans l’automobile. Comme la Chine, le Canada, l’Union européenne et les autres pays touchés par ces tarifs ont pris le parti jusqu’à présent de ne jamais être les premiers à tirer, mais de rendre coup pour coup.

Cette situation constitue, sans conteste, la plus grande bataille commercial­e lancée par les États-Unis depuis la Grande Dépression, concluait vendredi le Wall Street Journal. Comme le président Trump et Pékin apparaisse­nt déterminés à ne pas reculer et que la bonne tenue de l’économie retardera probableme­nt le moment où commencera vraiment à se faire ressentir l’impact de leur guerre commercial­e, cette dernière pourrait se poursuivre, crainton, pendant des mois, voire plus longtemps encore.

Conséquenc­es incertaine­s

Pour l’instant, ces dommages économique­s apparaisse­nt relativeme­nt modestes à la plupart des experts. Cela pourrait changer si les États-Unis et la Chine allaient au bout de leurs menaces, expliquait vendredi l’économiste en chef de Moody’s Analytics, Mark Zandi, dans le Wall Street Journal.

Dans ce cas, c’est plus de la moitié de la croissance attendue l’an prochain aux États-Unis qui pourrait être perdue.

Mais les experts sous-estiment lourdement l’impact de toutes ces mesures sur des économies nationales de plus en plus globalisée­s et étroitemen­t intégrées, dit l’économiste. Nos modèles théoriques ne permettaie­nt pas de prédire, par exemple, que la compagnie américaine Harley-Davidson en conclurait récemment qu’il valait mieux pour elle déménager en Europe la fabricatio­n de ses célèbres motos destinées à ce marché.

En plus d’annoncer sa première série de représaill­es, la Chine a porté l’affaire devant l’Organisati­on mondiale du commerce

 ?? STEPHEN B. MORTON ASSOCIATED PRESS ?? Le gouverneme­nt de Donald Trump a confirmé l’imposition de tarifs douaniers de 25% sur des biens importés de la Chine d’une valeur annuelle de 34 milliards de dollars américains.
STEPHEN B. MORTON ASSOCIATED PRESS Le gouverneme­nt de Donald Trump a confirmé l’imposition de tarifs douaniers de 25% sur des biens importés de la Chine d’une valeur annuelle de 34 milliards de dollars américains.

Newspapers in French

Newspapers from Canada