Le souvenir des agressions sexuelles plane sur la San Fermin
À Pampelune, l’histoire des cinq Sévillans ayant agressé une Madrilène en 2016 est encore dans toutes les têtes
À Pampelune, qui a donné vendredi le coup d’envoi de ses célèbres fêtes de la San Fermin, les femmes espèrent que la célébration ne sera pas assombrie par les agressions sexuelles après l’affaire de « la Meute » qui a secoué toute l’Espagne.
Sur la Plaza del Castillo, épicentre de la San Fermin, un point d’information marqué de l’omniprésent slogan « Pampelune ville libre d’agressions sexistes » ne désemplit pas.
Des employées municipales et des membres d’associations féministes y sensibilisent les participants et distribuent une épinglette représentant une main rouge, symbole de la campagne contre les violences sexuelles menée depuis plusieurs années par la municipalité du nord de l’Espagne.
«Nous ne laisserons rien passer!» prévient Merche Labari, femme au foyer de 56 ans qui arbore la main rouge. «C’est à nous, à Pampelune, de dire “non, ça suffit”. Avec de la propagande, des amendes, tout ce qu’il faudra ! »
Numéro de téléphone accessible 24 heures sur 24, application de géolocalisation, identification des auteurs d’agressions sexuelles sur les images de vidéosurveillance… Depuis cinq ans, quand des images d’attouchements généralisés pendant le lancement de la féria avaient causé un électrochoc dans l’opinion, la ville met les grands moyens pour éradiquer ce fléau.
En conséquence, dans 95 % des plaintes, l’auteur est identifié, relève une étude sur les violences sexuelles lors des fêtes dévoilée début juillet.
« Quand une femme porte plainte, il est extrêmement probable que l’on finisse par savoir qui est l’auteur des faits, et cela devrait encourager [les gens] à avoir une grande confiance dans les institutions», affirme à l’AFP TV Lohitzune Zuloaga, sociologue et co-auteure de l’étude.
« La Meute » dans toutes les têtes
Mais « la Meute », la bande de cinq Sévillans qui avaient agressé en groupe une jeune Madrilène lors de la San Fermin en 2016, est encore dans toutes les têtes.
Condamnés en avril pour « abus sexuel » et non « agression sexuelle », catégorie comprenant les viols en Espagne et plus lourdement sanctionnée, ils ont été libérés sous caution il y a deux semaines et peuvent en théorie participer aux fêtes.
« Il n’y a pas de justice dans ce pays ! » fulmine Leire Delgado, 31 ans, une bière à la main.
« Si tu te laisses faire, ce n’est pas un viol, et si tu ne te laisses pas faire, on te tue. Alors qu’est-ce qu’il faut faire ? Ne plus sortir ? » dit-elle, en référence à Nagore Laffage, infirmière tuée il y a dix ans lors de la San Fermin par un homme dont elle refusait les avances sexuelles.
Grande vague féministe
Dans toute l’Espagne, l’affaire de «la Meute » a déclenché une puissante vague de manifestations féministes contre la « justice patriarcale ».
À Pampelune, son écho fait cependant grincer des dents.
Certaines femmes ont été gagnées par la peur, comme Maitane Salazar, caissière de 27 ans, qui assure que « cette année, j’essaierai de ne jamais être seule, même pas en allant aux toilettes ».
Mais d’autres déplorent que la réputation de la ville et de sa féria, où la sangria coule à flots, en pâtisse.
« Ailleurs, on nous voit comme une ville sans loi », pense Leire Delgado, vêtue de blanc avec un foulard rouge, comme presque tous les participants à cette fête à laquelle elle prend part chaque année.
« Des viols, il y en a à Tenerife, à Séville… sauf qu’ailleurs, on ne dit rien. À Pampelune, on ne cache rien », se défend cette femme au foyer.
« À Pampelune, on porte plainte davantage que dans d’autres villes », confirme la sociologue Lohitzune Zuloaga. « Cela ne veut pas nécessairement dire qu’il y a plus de cas, mais que les gens sont plus sensibilisés.»
Les collectifs féministes de la ville ont aussi évité au maximum de se focaliser sur « la Meute », peu évoquée dans les slogans des habituelles manifestations en amont des festivités.
« Se concentrer sur un seul cas rend invisible le reste des agressions », ontelles écrit dans un communiqué.
Si tu te laisses faire, ce n’est pas un viol, et si tu ne te laisses pas faire, on te tue. Alors qu’est-ce qu’il faut faire ? Ne plus sortir ? LEIRE DELGADO