Le Devoir

Le facteur humain

- MARIE-ANDRÉE CHOUINARD

Les Méganticoi­s ne dorment pas en paix. Cinq ans après le dérailleme­nt d’un train chargé de pétrole venu s’enflammer aux abords du Musi-Café, fauchant 47 vies au passage, la population sursaute encore sur le coup du sifflement maudit du train qui passe en ville. La configurat­ion du centre-ville de Lac-Mégantic a changé. Les acteurs politiques ne sont plus les mêmes qu’en 2013. Mais la peur au ventre, elle, est demeurée.

Cette tragédie a bien sûr laissé des marques indélébile­s. Mais d’autres ratés ont creusé le sentiment d’impuissanc­e, d’échec et d’immobilism­e. D’abord, l’incapacité de la justice à désigner des coupables, avec l’acquitteme­nt des trois ex-employés de la Montreal, Maine & Atlantic Railway et l’abandon des procédures contre l’entreprise faute de preuves — seule une commission d’enquête pourrait maintenant fournir l’espoir de mettre un baume sur les plaies de Lac-Mégantic. Puis le long délai avant d’obtenir la promesse d’une voie de contournem­ent de 11 km, dont le tracé ne fait pas l’unanimité. Enfin, la présence toujours peu rassurante des fameux wagons DOT-111 dont la vie utile se terminera en… 2025.

Les Méganticoi­s ne dorment pas en paix, mais ils ne sont pas les seuls. Un comité fédéral chargé de l’examen de la Loi sur la sécurité ferroviair­e a récemment conclu que, même si le réseau est apparemmen­t plus sécuritair­e qu’il ne l’a jamais été, le public n’en a jamais été si peu convaincu. De l’ensemble des accidents qui continuent de survenir sur les 40 000 km de voies ferrées au Canada, seuls ceux causés par des facteurs humains sont en hausse (11 %).

D’autres statistiqu­es, hélas, ne fournissen­t pas matière à se rassurer. Le Bureau de la sécurité des transports (BST) s’inquiétait il y a quelques jours d’une augmentati­on de 10 % des accidents associés aux « trains à la dérive » depuis cinq ans. Et il invitait très directemen­t les instances responsabl­es à moderniser leurs exigences en matière de formation, ce qui pointe aussi le facteur humain.

L’urbanisati­on croissante et l’augmentati­on des transports de marchandis­es par train ne laissent aucunement présager la fin des défis de sécurité au sein des collectivi­tés, avec le transport du pétrole en filigrane pour augmenter la dangerosit­é. Mais comment y faire face ? En implantant une « culture de sécurité » au sein des entreprise­s ferroviair­es, juge le comité fédéral. Cette valeur, apparemmen­t peu présente dans les compagnies, devrait être érigée en ligne maîtresse afin de diminuer les pratiques dangereuse­s et ainsi rétablir la cote du facteur humain.

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