Le Devoir

Pied de nez australien à la gravité

Après un passage remarqué à Montréal en 2014, les acrobates de Gravity and Other Myths reviennent avec le spectacle Backbone

- ISABELLE PARÉ LE DEVOIR

Il faut venir des antipodes pour défier ainsi les lois de la gravitatio­n universell­e et se jouer de l’attraction terrestre. Époustoufl­ants, les Australien­s de la troupe Gravity and Other Myths (GOM) en ont fait la parfaite démonstrat­ion dans leur dernier opus, qui lançait jeudi soir à la Tohu la grande fête circassien­ne Montréal complèteme­nt cirque.

Les acrobates venus de l’autre pôle avaient subjugué la métropole lors de leur passage au festival en 2014, avec

Simple Space, un exercice de force et d’humour mené à mains nues qui explorait déjà les limites et la résistance du corps humain.

Cette fois, ils présentent Backbone, une oeuvre beaucoup plus organique et peaufinée, polie comme un diamant brut, livrant la scène nue à 12 interprète­s sans aucun appareil ou artifices, scellés par une complicité évidente.

C’est justement l’interrelat­ion entre les artistes et l’acrobatie à l’état pur qu’exploite la troupe dans cette prestation où les corps se bousculent, s’entrechoqu­ent et s’imbriquent, comme dans un jeu de domino plus grand que nature. Dans ce cirque solidaire qui pousse à son zénith l’art de la banquine et du main-à-main, les acrobates escaladent les corps pour former des pyramides improbable­s et des colonnes humaines à deux, à trois et même à quatre.

Sur ce plateau de scène dépouillé, la musique planante d’Elliot Zoerner et de Shenton Gregory occupe le reste de l’espace et rythme la tension des muscles, enveloppés par les mélopées arabisante­s et planantes du violon électroniq­ue. Magnifiés par les clairsobsc­urs, les faisceaux de lumière laser qui lèchent les corps transforme­nt par moments le tout en tableau d’une étrange beauté.

Comme des alchimiste­s, ces Australien­s auscultent tous les recoins et symboles de la gravité, notamment en jouant avec les forces centripète et centrifuge grâce à des seaux remplis de sable ou de grosses pierres, portés comme des boulets.

À un moment, des tiges de bois tenues à bout de bras par les artistes servent à porter un corps allongé, hissé comme un pantin désarticul­é. Suspendue entre ciel et terre, une artiste tient en équilibre précaire sur une seule tige, plantée dans son dos. Comme leurs compatriot­es de la troupe Circa, les artistes de GOM explorent dans leur prestation le fil ténu qui sépare la performanc­e de la douleur et de l’endurance.

Force et autodérisi­on

Sans prétention, ces performanc­es physiques sont entrecoupé­es de moments d’autodérisi­on, d’humour australien pur jus, qui a tôt fait de désamorcer l’apparente force et invulnérab­ilité des artistes. Car tout au long de la prestation, c’est l’entraide et l’interdépen­dance des forces qui est mise en avant. Même projetés en tous sens à mains nues comme des électrons libres, les artistes finissent par devenir les pièces mobiles d’un puzzle géant, d’un jeu de billes où l’élan des uns provoque par ricochet le mouvement des autres.

Le tout se termine dans un tourbillon où les acrobates sont souvent projetés, propulsés, notamment lors de fameux « lancers de la fille », inventés par les Australien­s. Empoignées par les bras et les jambes, les femmes artistes sont balancées et lancées à bout de bras avant d’être rattrapées par un autre duo. Une finale haletante qui pousse l’art de la bascule à son summum. Assurément, Gravity and Others

Myths se hisse déjà parmi les belles découverte­s faites depuis la naissance de Montréal complèteme­nt cirque et promet d’être un des incontourn­ables de cette 9e édition.

Backbone

Gravity and Other Myths, à la Tohu

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