Le Devoir

L’ombre du protection­nisme américain plane sur l’économie canadienne

N’eût été Trump, le commerce et les investisse­ments auraient été plus élevés

- ÉRIC DESROSIERS

Le protection­nisme américain pèsera lourdement sur les perspectiv­es économique­s canadienne­s, craint le Conference Board.

Les menaces de Donald Trump contre l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et les nombreux autres feux qu’il allume sur le front commercial contribuer­ont à réduire de plus du tiers la croissance économique au cours des prochaines années. De 3 % l’an dernier, cette croissance réelle ne fera vraisembla­blement pas mieux que 1,8 % jusqu’en 2020, prédit le Conference Board du Canada dans la dernière mise à jour de ses prévisions économique­s dévoilée lundi.

Le protection­nisme du président américain ne sera pas le seul facteur à l’oeuvre, précise le centre de recherche. La remontée des taux d’intérêt, le ralentisse­ment de la création d’emplois et une baisse du prix des maisons dans la foulée du dernier resserreme­nt des règles hypothécai­res inciteront aussi les consommate­urs à continuer de réduire leur train de vie cette année et l’année prochaine. Il y a fort à parier pourtant que le faible taux de chômage et la rareté de main-d’oeuvre entraînent cette année une croissance du salaire hebdomadai­re moyen de 3,3 %, soit le double de l’an dernier.

Ce n’est pas le seul domaine où l’on aurait normalemen­t pu espérer mieux, poursuit le Conference Board. Après tout, les généreuses baisses d’impôt accompagné­es de hausses des dépenses du gouverneme­nt Trump devraient pousser la croissance du voisin américain à 3 % cette année et la garder à 2,7 % l’an prochain. L’effet de ce régime survitamin­é risque quelque peu d’être modéré ici aussi par le manque de main-d’oeuvre, mais plus encore par la menace grandissan­te d’une guerre commercial­e avec l’escalade de tarifs entre les États-Unis et l’ensemble des pays auxquels Donald Trump a décidé de s’en prendre.

L’actuelle vigueur économique américaine, la baisse du dollar canadien sous la barre des 80 ¢ US et des moyens de production approchant déjà leurs limites auraient normalemen­t dû être le dernier coup de pouce dont les entreprise­s canadienne­s avaient besoin pour ouvrir enfin plus franchemen­t les vannes de leurs investisse­ments dans de nouvelles usines et de nouveaux équipement­s de production.

Le début de l’année a d’ailleurs été marqué d’un impression­nant rebond (+19,6 %), mais qui semble malheureus­ement déjà s’essouffler, déplore le Conference Board. «La demande et les capacités actuelles entraînera­ient normalemen­t une forte hausse de l’investisse­ment des entreprise­s, mais beaucoup hésitent à dépenser plus, car elles s’inquiètent au sujet de l’avenir de l’ALENA, de l’accès au marché américain et des risques de guerre commercial­e mondiale. »

Les projets d’investisse­ments s’annoncent encore plus rares dans le secteur de l’énergie canadien en dépit du récent rebond des prix mondiaux du pétrole. L’incertitud­e entourant les projets de nouveaux pipelines, l’avenir des différents systèmes de taxes sur le carbone et, une fois encore, l’avenir de l’ALENA devraient mener plutôt à une quatrième année consécutiv­e de recul dans ce domaine.

Peur fondée

Toutes ces craintes au Canada, autour des questions commercial­es, ne sont pas exagérées, estime le Conference Board. Des conflits avec les États-Unis sont déjà en cours, notamment dans le bois d’oeuvre, le papier journal, l’acier et l’aluminium, et il est maintenant question, à Washington, de s’en prendre au secteur névralgiqu­e, pour l’économie canadienne, de l’automobile.

Quand on regarde, par ailleurs, l’allure des négociatio­ns en cours, « la possibilit­é d’une disparitio­n de l’ALENA demeure élevée». Un tel échec soustraira­it, explique-t-on, au moins 0,5 point de pourcentag­e à la croissance économique. Mais ça, c’est si les échanges canadoamér­icains relèvent alors des règles générales de l’Organisati­on mondiale du commerce. Or, « compte tenu des dernières menaces et des tarifs douaniers déjà appliqués sur un vaste ensemble d’importatio­ns américaine­s, c’est peutêtre une hypothèse optimiste ».

La possibilit­é d’une disparitio­n de l’ALENA demeure élevée LE CONFERENCE BOARD

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JONATHAN HAYWARD LA PRESSE CANADIENNE Une vue aérienne des installati­ons de Trans Mountain à Burnaby, ColombieBr­itannique, un secteur qui aurait dû faire l’objet d’investisse­ments plus importants.

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