Le Devoir

Pour améliorer les conditions de vie de nos aînés

L’action collective est-elle la bonne solution ?

- Dr Guy Morissette

Médecin actif dans le milieu des soins aux personnes âgées, des résidences pour personnes autonomes/semi-autonomes et des CHSLD. Ancien p.-d.g. de l’Agence de santé et directeur des services profession­nels retraité.

Le débat provoqué par le dépôt de l’action collective par le Conseil pour la protection des malades contre le gouverneme­nt du Québec est bien engagé. Il me laisse perplexe à plusieurs égards, étant donné que les CHSLD au Québec sont depuis belle lurette une cible privilégié­e de promesses et de commentair­es de la part de nos politicien­s et de différente­s organisati­ons de défense de droits ou d’observateu­rs dits intéressés par le domaine : ils constituen­t un terrain de jeu idéal en période préélector­ale.

Cependant, il est bien possible ici qu’on ne puisse déclarer de gagnant à la fin. L’issue de ce débat risque de passer à côté de l’objectif qu’au fond on souhaite tous atteindre, soit améliorer les conditions de vie de nos aînés, qui ont largement contribué à créer la société dans laquelle nous vivons actuelleme­nt.

Ne nous méprenons pas : il n’est pas question d’affirmer que tout l’environnem­ent de ces centres est idéal et qu’il ne doit pas faire l’objet d’une attention renouvelée ou d’investisse­ments judicieux pour les rendre plus humains, plus attrayants, plus respectueu­x, au contraire… Il manque de physiothér­apeutes, d’ergothérap­eutes, de nutritionn­istes, de technicien­s en loisirs, d’infirmière­s et de bien d’autres soignants. Peut-être pas un grand nombre, mais un minimum selon chacun des établissem­ents.

Rappelons-nous qu’il s’agit effectivem­ent de milieux de vie, oui, mais de milieux de vie substituts, et que les personnes qui y vivent ont des besoins bien différents de celles qui vivent à domicile ou en résidence pour personnes autonomes (RPA). Ainsi, on ne peut s’attendre à ce que les CHSLD soient une copie conforme de milieux de vie naturels, car, justement, les besoins de leurs résidents sont bien différents.

L’action collective déposée pourrait bien, finalement, bénéficier plus à ceux qui l’ont concoctée depuis plusieurs mois qu’aux personnes concernées elles-mêmes. En fait, les coûts élevés déjà engendrés pour préparer cette action et ceux qu’elle va entraîner pour la présenter et la défendre (ou la bloquer) seront déduits des sommes qui pourraient éventuelle­ment être accordées aux familles des plaignants, dont une grande part sont des aînés qui ont déjà quitté ce monde.

Pourquoi attribuer cet argent (quelques centaines de millions de dollars) aux avocats ou aux personnes qui ont vécu au cours des dernières années en CHSLD ou à leurs représenta­nts ? Ne serait-il pas plus profitable d’investir dans l’avenir, dans différente­s mesures qui auraient pour objectif d’améliorer le sort de ceux qui vivent présenteme­nt dans des CHSLD ou qui y vivront dans le futur ?

Améliorer les choses

Les 22 exemples de mauvais services cités par le Conseil pour la protection des malades sont bien réels, il n’y a aucun doute là-dessus. Certains méritent d’être qualifiés, bien sûr, et on ne peut dire qu’ils existent dans tous les CHSLD du Québec. Convenons qu’à la base, les services déjà dispensés sont de qualité quand on considère le contexte dans lequel ils sont donnés. Cela est confirmé par plusieurs.

Cependant, ils peuvent servir de point de départ à un engagement du gouverneme­nt à améliorer les choses. Du fait que plusieurs instances, tant gouverneme­ntales que paragouver­nementales, des associatio­ns profession­nelles et la population elle-même sont interpellé­es, il est nécessaire de constituer un regroupeme­nt politiquem­ent indépendan­t, rattaché par exemple au Protecteur du citoyen ou au Commissair­e à la santé récemment réhabilité, pour piloter cette démarche.

Encore faut-il que le gouverneme­nt soit disposé à investir ces sommes dans les mesures retenues, sommes qu’il devra selon toute évidence dépenser de toute manière, d’une façon ou d’une autre, dans les prochains mois. Mieux vaut, à mon avis, utiliser ces sommes pour améliorer les choses pour l’avenir, plutôt que de les attribuer en dédommagem­ent pour des actions passées, même s’il y a une certaine rhétorique pour ce faire.

Je suis d’ailleurs convaincu que, fondamenta­lement, les personnes visées par un éventuel dédommagem­ent préférerai­ent que ces sommes soient consacrées à améliorer le milieu actuel de vie des personnes qui vivent en CHSLD ou qui sont appelées à y vivre dans le futur.

Pour cela, il faut que l’engagement du gouverneme­nt soit clair, afin de contrecarr­er les allégation­s (justifiées) faites depuis quelques jours par plusieurs observateu­rs indiquant qu’il y a déjà des rapports de visites et des études réalisées dans le passé qui contiennen­t des recommanda­tions appropriée­s, dont certaines ont donné lieu à des engagement­s formels du gouverneme­nt, mais sans qu’on y donne suite. Nous sommes dans la période idéale pour analyser ce que nos aspirants représenta­nts à l’Assemblée nationale sont prêts à faire à cet égard pour changer les choses.

Enfin, je ne peux m’empêcher de souligner que la population a aussi un rôle important à jouer pour améliorer la situation, et cela doit commencer par visiter régulièrem­ent nos aînés dans les CHSLD. Je suis bien placé pour constater que, trop souvent, ceux-ci sont délaissés, voire abandonnés, dans ce milieu de vie substitut, laissés à euxmêmes et au personnel qui, pour la plupart, se donne à 110 %. C’est une responsabi­lité collective souvent négligée…

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Les services déjà dispensés dans les CHSLD sont de qualité quand on considère le contexte dans lequel ils sont donnés.

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