Pour améliorer les conditions de vie de nos aînés
L’action collective est-elle la bonne solution ?
Médecin actif dans le milieu des soins aux personnes âgées, des résidences pour personnes autonomes/semi-autonomes et des CHSLD. Ancien p.-d.g. de l’Agence de santé et directeur des services professionnels retraité.
Le débat provoqué par le dépôt de l’action collective par le Conseil pour la protection des malades contre le gouvernement du Québec est bien engagé. Il me laisse perplexe à plusieurs égards, étant donné que les CHSLD au Québec sont depuis belle lurette une cible privilégiée de promesses et de commentaires de la part de nos politiciens et de différentes organisations de défense de droits ou d’observateurs dits intéressés par le domaine : ils constituent un terrain de jeu idéal en période préélectorale.
Cependant, il est bien possible ici qu’on ne puisse déclarer de gagnant à la fin. L’issue de ce débat risque de passer à côté de l’objectif qu’au fond on souhaite tous atteindre, soit améliorer les conditions de vie de nos aînés, qui ont largement contribué à créer la société dans laquelle nous vivons actuellement.
Ne nous méprenons pas : il n’est pas question d’affirmer que tout l’environnement de ces centres est idéal et qu’il ne doit pas faire l’objet d’une attention renouvelée ou d’investissements judicieux pour les rendre plus humains, plus attrayants, plus respectueux, au contraire… Il manque de physiothérapeutes, d’ergothérapeutes, de nutritionnistes, de techniciens en loisirs, d’infirmières et de bien d’autres soignants. Peut-être pas un grand nombre, mais un minimum selon chacun des établissements.
Rappelons-nous qu’il s’agit effectivement de milieux de vie, oui, mais de milieux de vie substituts, et que les personnes qui y vivent ont des besoins bien différents de celles qui vivent à domicile ou en résidence pour personnes autonomes (RPA). Ainsi, on ne peut s’attendre à ce que les CHSLD soient une copie conforme de milieux de vie naturels, car, justement, les besoins de leurs résidents sont bien différents.
L’action collective déposée pourrait bien, finalement, bénéficier plus à ceux qui l’ont concoctée depuis plusieurs mois qu’aux personnes concernées elles-mêmes. En fait, les coûts élevés déjà engendrés pour préparer cette action et ceux qu’elle va entraîner pour la présenter et la défendre (ou la bloquer) seront déduits des sommes qui pourraient éventuellement être accordées aux familles des plaignants, dont une grande part sont des aînés qui ont déjà quitté ce monde.
Pourquoi attribuer cet argent (quelques centaines de millions de dollars) aux avocats ou aux personnes qui ont vécu au cours des dernières années en CHSLD ou à leurs représentants ? Ne serait-il pas plus profitable d’investir dans l’avenir, dans différentes mesures qui auraient pour objectif d’améliorer le sort de ceux qui vivent présentement dans des CHSLD ou qui y vivront dans le futur ?
Améliorer les choses
Les 22 exemples de mauvais services cités par le Conseil pour la protection des malades sont bien réels, il n’y a aucun doute là-dessus. Certains méritent d’être qualifiés, bien sûr, et on ne peut dire qu’ils existent dans tous les CHSLD du Québec. Convenons qu’à la base, les services déjà dispensés sont de qualité quand on considère le contexte dans lequel ils sont donnés. Cela est confirmé par plusieurs.
Cependant, ils peuvent servir de point de départ à un engagement du gouvernement à améliorer les choses. Du fait que plusieurs instances, tant gouvernementales que paragouvernementales, des associations professionnelles et la population elle-même sont interpellées, il est nécessaire de constituer un regroupement politiquement indépendant, rattaché par exemple au Protecteur du citoyen ou au Commissaire à la santé récemment réhabilité, pour piloter cette démarche.
Encore faut-il que le gouvernement soit disposé à investir ces sommes dans les mesures retenues, sommes qu’il devra selon toute évidence dépenser de toute manière, d’une façon ou d’une autre, dans les prochains mois. Mieux vaut, à mon avis, utiliser ces sommes pour améliorer les choses pour l’avenir, plutôt que de les attribuer en dédommagement pour des actions passées, même s’il y a une certaine rhétorique pour ce faire.
Je suis d’ailleurs convaincu que, fondamentalement, les personnes visées par un éventuel dédommagement préféreraient que ces sommes soient consacrées à améliorer le milieu actuel de vie des personnes qui vivent en CHSLD ou qui sont appelées à y vivre dans le futur.
Pour cela, il faut que l’engagement du gouvernement soit clair, afin de contrecarrer les allégations (justifiées) faites depuis quelques jours par plusieurs observateurs indiquant qu’il y a déjà des rapports de visites et des études réalisées dans le passé qui contiennent des recommandations appropriées, dont certaines ont donné lieu à des engagements formels du gouvernement, mais sans qu’on y donne suite. Nous sommes dans la période idéale pour analyser ce que nos aspirants représentants à l’Assemblée nationale sont prêts à faire à cet égard pour changer les choses.
Enfin, je ne peux m’empêcher de souligner que la population a aussi un rôle important à jouer pour améliorer la situation, et cela doit commencer par visiter régulièrement nos aînés dans les CHSLD. Je suis bien placé pour constater que, trop souvent, ceux-ci sont délaissés, voire abandonnés, dans ce milieu de vie substitut, laissés à euxmêmes et au personnel qui, pour la plupart, se donne à 110 %. C’est une responsabilité collective souvent négligée…