Le Devoir

Québec serre la vis au commerce en ligne

Des agents du fisc percevront au centre de tri de Postes Canada la TVQ sur les achats extérieurs

- FRANÇOIS DESJARDINS

Le projet visant à mieux percevoir la TVQ sur les objets achetés en ligne à l’étranger débutera officielle­ment à l’automne, confirme le gouverneme­nt, et il consistera notamment à ajouter des employés de Revenu Québec au centre de tri de Postes Canada situé à Montréal.

Destiné à capter des sommes qui échappent au fisc depuis des années, faute de ressources pour traiter la masse grandissan­te de colis, le projet pilote sera d’une durée initiale de 12 mois, a indiqué au Devoir l’attachée de presse du ministre des Finances, Audrey Cloutier.

Pour améliorer la collecte, huit employés de Revenu Québec seront ajoutés aux agents des services frontalier­s qui travaillen­t au grand centre de tri de l’arrondisse­ment de Saint-Laurent, un des trois complexes du genre au Canada. Le personnel sera «prêté» au gouverneme­nt fédéral, mais leur salaire sera assumé par Revenu Québec.

Constatant la croissance fulgurante du commerce en ligne et le flot des colis que cela peut générer en provenance de l’étranger, le ministère des Finances a estimé par le passé que la taxe de vente est actuelleme­nt prélevée sur seulement 10% des achats de biens corporels qui passent par le centre de tri, une situation qui représente des pertes d’environ 158 millions par année pour le trésor public.

Les employés de Revenu Québec auront la responsabi­lité de faire « la saisie de données, afin de s’assurer de la perception des taxes et de l’exactitude des données, en collaborat­ion avec l’Agence des services frontalier­s », a indiqué une porte-parole de Revenu Québec, Geneviève Laurier.

Le désir de mieux percevoir la taxe de vente sur les biens achetés sur des sites Internet étrangers a été exprimé l’an dernier, mais il s’est véritablem­ent matérialis­é au mois de mars, dans le dernier budget du ministre des Finances, Carlos Leitão. On y indiquait simplement que l’objectif consistait à démarrer un projet pilote au printemps « afin d’améliorer la capacité de traiter les colis du centre de tri de Postes Canada situé à Montréal ».

Même si le ministre a laissé entendre dans les semaines suivant son budget que Québec n’allait peut-être pas devoir débourser d’argent, en raison de la responsabi­lité fédérale sur les questions frontalièr­es, l’embauche de personnel par Revenu Québec semble s’inscrire dans l’esprit de la stratégie sur les paradis fiscaux et l’équité fiscale publiée à l’automne 2017 par le gouverneme­nt Couillard. À l’époque, Québec disait être prêt à pousser à la roue, sans toutefois s’avancer sur les détails.

« Le Québec a informé le gouverneme­nt fédéral qu’il était prêt à contribuer financière­ment afin d’améliorer la perception des taxes aux frontières par l’Agence des services frontalier­s du Canada », avait alors écrit le gouverneme­nt dans un document de 260 pages portant notamment sur l’impôt des sociétés, les paradis fiscaux et l’économie numérique. « Des travaux exploratoi­res sont en cours à cet égard. Le Québec est confiant dans le fait que des changement­s et des solutions puissent être mis en place de manière coordonnée à court terme. »

Agents frontalier­s

Le centre de tri de Postes Canada situé dans l’arrondisse­ment de Saint-Laurent compte présenteme­nt 23 agents des services frontalier­s, affirme le président du Syndicat des douanes et de l’immigratio­n, Jean-Pierre Fortin.

L’ajout d’employés provenant de Revenu Québec « va aider un peu » à la perception des taxes, a estimé M. Fortin, mais le droit d’ouvrir les colis pour vérifier le contenu appartient strictemen­t aux agents. Il s’est dit déçu que la stratégie mise en place ne se traduise pas par l’embauche d’agents douaniers supplément­aires.

Le prélèvemen­t de la taxe de vente passe en premier lieu par un « meilleur contrôle » à la frontière, a dit le ministre Leitão lors de l’étude des crédits à la Commission des finances publiques en avril. « Mais ce n’est pas exclusivem­ent ou seulement ça », avait-il ajouté, en évoquant, par exemple, des ententes spécifique­s avec des entreprise­s. « Ça pourrait se faire aussi. Un n’exclut pas l’autre, et je pense même que c’est complément­aire. »

Invitée à commenter les développem­ents concernant le projet pilote, Postes Canada a suggéré de contacter Revenu Québec.

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