L’Art a changé
Je suis estomaquée par vos propos de jeudi matin. Dans l’art de remettre de l’huile sur le feu, vous êtes un expert. Comparer les revendications du collectif SLĀV Résistance aux actes de censure du clergé de l’époque est d’une grande indélicatesse intellectuelle. Le clergé détenait tous les pouvoirs politiques. Je ne crois pas que ce soit le cas des communautés noires montréalaises… Votre manie de décontextualiser les événements vous fait omettre de dire, en empruntant aux qualités des signataires de Refus global, que l’Art ne joue plus une fonction politique, voire sociale, aussi forte que par le passé.
L’Art, s’il faut lui octroyer un grand A, est devenu une industrie fonctionnant sous les modes capitalistes. Les artistes sont maintenant des travailleurs, pour faire un clin d’oeil au très bel ouvrage de PierreMichel Menger, Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme, que je vous invite à lire. Les spectacles sont construits pour attirer des publics cibles, pour engranger des sous. Rien n’est laissé au hasard de l’artiste. Le mouvement des automatismes, duquel Borduas se revendiquait, n’avait aucunement ces prétentions.
Les artistes étaient des militants qui se réclamaient sans gêne d’une responsabilité sociale et politique. Je ne vois pas cela en Robert Lepage. Je perçois plutôt un créateur qui fait du spectacle universel, bien ficelé, par souci d’exporter son oeuvre. Cela ne lui enlève pas son talent de metteur en scène. Il faut aussi lui reconnaître une intelligence d’affaires. Heureusement, le TNM a compris son rôle social d’intermédiaire. Voilà le véritable génie pour qui se reconnaît vivre dans une société diversifiée. Pas celle du passé, M. Rioux. Celle de l’instant. Annie Marchand Sherbrooke, le 13 juillet 2018