Le Devoir

Mieux soutenir les parents

- ROBERT DUTRISAC

Les parents d’enfants handicapés reviennent à la charge, cette fois-ci avec une analyse économique qui montre que le soutien financier que leurs enfants reçoivent de l’État est nettement moindre que celui dont bénéficien­t les enfants handicapés qui ont été placés dans des familles d’accueil. Il est clair qu’on n’en fait pas assez pour ces parents qui, malgré les énormes difficulté­s qu’ils affrontent, choisissen­t, pour le bien de leur enfant, de s’en occuper.

Commandée par le groupe communauta­ire L’Étoile de Pacho et les regroupeme­nts Réseau d’entraide pour parents d’enfants handicapés et Parents jusqu’au bout!, l’analyse, confiée à la firme comptable Raymond Chabot Grant Thornton, établit que la famille naturelle reçoit en moyenne 25 600 $ par an, toutes sources confondues, pour se charger des soins dont a besoin leur enfant tandis qu’en moyenne, la famille d’accueil a droit à une somme de 44 200 $, soit un écart de plus de 18 000 $.

Certes, la famille d’accueil doit assumer des frais que les parents n’ont pas à payer, notamment pour l’aménagemen­t de la résidence d’accueil qui doit se conformer à certaines exigences. Une forme de rémunérati­on est aussi comprise dans l’aide financière qu’on lui accorde. Mais rien ne justifie un tel écart.

En 2016, le gouverneme­nt Couillard, réagissant aux plaintes répétées des parents, créait un programme appelé Supplément pour enfant handicapé nécessitan­t des soins exceptionn­els (SEHNSE) qui accorde une aide additionne­lle de 12 000 $ par an aux parents qui s’occupent de leur enfant gravement malade ou souffrant d’un lourd handicap.

On compte 36 000 enfants handicapés au Québec et seulement une fraction des parents de ces enfants ont droit au supplément. En outre, nombre de demandes ont été rejetées. Selon l’analyse, à l’automne 2017, des 4000 demandes qu’a traitées Retraite Québec, l’organisme qui administre le programme, seulement 1634 d’entre elles ont été acceptées.

Reconnaiss­ant que les critères du programme étaient trop exigeants, le ministre de la Famille, Luc Fortin, a annoncé en juin leur assoupliss­ement. Selon les données du ministère, 486 demandes de plus ont été acceptées depuis. Mais même pour les enfants lourdement handicapés, les familles d’accueil reçoivent bien davantage que les familles naturelles.

Il faut comprendre que l’État a un intérêt financier à ce que les parents gardent leur enfant handicapé à la maison. Comme on l’a vu, il lui en coûte nettement plus cher si les parents sont contraints de le placer en famille d’accueil ou, pire encore, en milieu hospitalie­r. Selon l’analyse de la firme comptable, un enfant handicapé coûte entre 47 700 $ et 81 400 $ s’il est hébergé dans un établissem­ent hospitalie­r.

L’aide gouverneme­ntale varie en fonction de la sévérité du handicap de l’enfant. Une grande part de ce qui est versé aux parents — en dehors de la minorité qui a droit au SEHNSE — est liée aux soins à domicile, dont la compensati­on est déterminée par les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS). Le nombre d’heures auquel a droit un enfant diffère d’ailleurs d’un CISSS à l’autre, ce qui est en soi une situation inéquitabl­e.

Selon l’organisme L’Étoile de Pacho, les coûts associés aux soins que requiert un enfant handicapé dépassent nettement le montant de l’aide consentie à ses parents. Souvent, un des deux parents doit arrêter de travailler.

Réagissant à ce nouveau cri d’alarme, le gouverneme­nt Couillard a montré une certaine ouverture. Le ministre Fortin a mis sur pied un comité interminis­tériel qui examinera le soutien apporté aux familles admissible­s au programme du SEHNSE en regard des sommes versées aux familles d’accueil. Il se penchera également sur la situation des personnes handicapée­s qui atteignent l’âge de 18 ans et qui perdent une partie de l’aide qui leur était destinée.

Mais c’est insuffisan­t. Le gouverneme­nt doit aussi se soucier de la situation des parents des 34 000 enfants dont le handicap n’est pas considéré comme très lourd. Les familles qui s’occupent d’un enfant trisomique ou affecté par un trouble du spectre de l’autisme doivent aussi assumer des frais importants que l’aide étatique ne comble pas.

À l’évidence, l’État a intérêt à ce que le moins de parents possible soient forcés de placer leur enfant handicapé dans une famille d’accueil ou en milieu hospitalie­r. Mais d’autres considérat­ions doivent l’animer. Ces parents méritent un meilleur soutien : il y a là un enjeu d’équité. Mais surtout, c’est une question d’humanité.

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