Le Devoir

Une histoire de rendez-vous manqués

RENDEZ-VOUS

- MAXIME POPOV

Depuis plus de 18 ans à la tête de la Russie, en tant que chef de l’État ou du gouverneme­nt, Vladimir Poutine a connu quatre présidents américains, avec lesquels les tentatives de construire de bonnes relations n’ont jamais duré.

Vladimir Poutine, alors quasi inconnu du grand public, prend en août 1999 la tête du gouverneme­nt russe à l’appel du président Boris Eltsine. Sa nomination en tant que premier ministre se fait dans un contexte de refroidiss­ement dans les relations avec les États-Unis.

Si les contacts étaient chaleureux entre Boris Eltsine et son homologue américain, Bill Clinton, à peine voilés par les projets d’élargissem­ent de l’OTAN à l’est, c’est la guerre du Kosovo qui a gâché la lune de miel postguerre froide.

En 1999, en réaction à un massacre au Kosovo par les forces serbes, les armées de l’OTAN bombardent Belgrade et la Serbie, alliée historique de Moscou. En signe de protestati­on, le premier ministre d’alors, Evgueni Primakov, ordonne de faire demi-tour au-dessus de l’Atlantique aux pilotes de l’avion qui l’emmenait à Washington.

Vladimir Poutine hérite du poste quelques mois plus tard.

La détente s’amorce en juin 2001. Après sa première rencontre avec Vladimir Poutine, désormais président, lors d’un sommet en Slovénie, George W. Bush dit l’avoir regardé dans les yeux : « J’ai été en mesure d’avoir une idée de son âme. »

Le rapprochem­ent se confirme à l’aune des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Vladimir Poutine, élu président un an auparavant, est le premier, selon la version du Kremlin, à contacter M. Bush après la tragédie. Celui qui a lancé, dès son arrivée au pouvoir, la deuxième guerre de Tchétchéni­e lui offre sa solidarité dans la « guerre contre le terrorisme ».

La lune de miel sera de courte durée : dès décembre 2001, Washington annonce son retrait du traité antibalist­ique ABM de 1972 pour laisser la voie libre à la création d’un bouclier antimissil­e américain en Europe de l’Est,

dénoncé par Moscou.

En 2003, la Russie fait partie des principaux pays condamnant l’invasion américaine de l’Irak. Un an plus tard, Moscou voit la main de Washington dans la «révolution orange» ayant porté des pro-occidentau­x au pouvoir en Ukraine.

En 2007, M. Poutine prononce à Munich un dur réquisitoi­re contre les ÉtatsUnis, resté dans les mémoires. Un an plus tard, une guerre éclair oppose la Russie et la Géorgie, aboutissan­t à la reconnaiss­ance par Moscou de deux république­s séparatist­es prorusses.

Lors de son arrivée au pouvoir, le président Obama a lancé le concept de « redémarrag­e » dans les relations entre Washington et Moscou

Table rase

En 2009, le nouveau président américain, Barack Obama, lance le concept de « reset » (« redémarrag­e ») dans les relations entre les deux pays, alors que Vladimir Poutine est devenu un an auparavant premier ministre, laissant la présidence à son protégé, Dmitri Medvedev.

Malgré des succès initiaux, avec notamment la signature en 2010 d’un nouveau traité de désarmemen­t nucléaire, la tentative fait long feu. En 2012, le Congrès américain adopte une série de sanctions visant des citoyens russes après la mort en prison du juriste Sergueï Magnitski. Les députés russes votent à leur tour des sanctions visant des Américains.

En 2011, la Russie renonce à utiliser son veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour empêcher une interventi­on de l’OTAN en Libye. S’estimant trompée par les Occidentau­x après la mort de Mouammar Kadhafi, la Russie en gardera un souvenir amer.

Vladimir Poutine reprend les rênes du Kremlin à partir de 2012.

Les relations plongent en 2014 après un soulèvemen­t qui amène de nouveau au pouvoir des pro-occidentau­x à Kiev. Le mouvement du Maïdan est suivi par l’annexion de la péninsule ukrainienn­e de Crimée par la Russie et un meurtrier conflit armé dans l’Est, entre l’armée ukrainienn­e et des séparatist­es prorusses, soutenus par les forces russes, selon Kiev et les Occidentau­x.

Les États-Unis et leurs alliés votent une série de sanctions économique­s contre la Russie, qui riposte avec un embargo alimentair­e.

En 2015, Moscou intervient militairem­ent en Syrie pour sauver le régime de son allié, le président Bachar al-Assad. Les points de friction avec les ÉtatsUnis, qui soutiennen­t les rebelles syriens, se multiplien­t.

Alors que Moscou et Washington s’opposent sur quasiment tous les grands dossiers, le candidat Donald Trump promet de restaurer de bonnes relations avec la Russie.

Après son élection, son mandat est plombé par les accusation­s d’ingérence russe dans l’élection et de collusion de son équipe de campagne avec le Kremlin.

Sa présidence est le théâtre d’une vague historique d’expulsions réciproque­s de diplomates et de nouvelles sanctions.

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