Le Devoir

Ford passe à l’offensive

L’Ontario se joint à la Saskatchew­an pour combattre la taxe sur le carbone

- MARCO BÉLAIR-CIRINO À SAINT-ANDREWS

Après avoir tourné le dos au marché du carbone, le premier ministre Doug Ford se donne pour mission d’«envoyer à la casse » la taxe sur le carbone, qui est « une mauvaise taxe pour les familles, une mauvaise taxe pour les entreprise­s », selon lui.

Pour y arriver, l’Ontario appuiera les efforts de la Saskatchew­an visant à faire invalider la mesure fiscale fédérale devant les tribunaux. « L’Ontario […] emploiera tous les outils à sa dispositio­n pour contester la taxe carbone du fédéral », a-t-il annoncé à la presse en marge d’une rencontre de travail du Conseil de la fédération, jeudi. « Ceci est un important pas dans la lutte contre la taxe sur le carbone fédérale. »

Son homologue saskatchew­anais, Scott Moe, a soutenu que la taxe sur le carbone constitue une mesure « inefficace qui ne diminue tout simplement pas les émissions de gaz à effet de serre [GES] », en plus de nier la « diversité » de l’économie canadienne. « La taxe sur le carbone réduit les emplois. La taxe sur le carbone réduit les occasions [d’affaires]», a-t-il martelé. La province a

demandé à la Cour d’appel de déterminer si Ottawa a compétence pour édicter une telle taxe. Plusieurs provinces doutent des chances de succès de son offensive judiciaire. Pas Doug Ford.

La ministre fédérale de l’Environnem­ent, Catherine McKenna, s’est dite déçue, jeudi, de voir le gouverneme­nt progressis­te-conservate­ur ontarien «dépens[er] 30 millions de dollars de l’argent des contribuab­les » pour briser l’élan de ceux et celles engagés dans la lutte contre les changement­s climatique­s.

Moe et Ford en campagne

Scott Moe et Doug Ford sollicitai­ent — dans des « discussion­s de couloir », a précisé l’hôte de la rencontre estivale des premiers ministres, Brian Gallant

— les appuis de leurs homologues provinciau­x et territoria­ux afin de forcer Ottawa à battre en retraite… avec un succès relatif.

En effet, le couple Ontario-Saskatchew­an n’est pas parvenu à faire le plein d’appuis. Les partisans d’une tarificati­on du carbone ne se sentent pas isolés, « pas du tout », a souligné le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Stephen McNeil. Son homologue de la Colombie-Britanniqu­e, John Horgan, s’est évertué mercredi après-midi à défendre l’approche de tarificati­on du carbone adoptée par sa province il y a près de dix ans. « Le ciel ne nous est pas tombé sur la tête», a-t-il souligné aux médias. « Pour répondre à certains arguments qu’on entend, s’il y a un endroit où on a démontré qu’on peut avoir une tarificati­on du carbone et une croissance économique très forte […] c’est bien le Québec», a poursuivi le premier ministre québécois, Philippe Couillard.

Une distractio­n ?

Même si MM. Ford et Moe ont, jusqu’ici échoué à convaincre leurs homologues de monter au front afin de faire voler en éclats le modèle pancanadie­n pour la tarificati­on du carbone, ils sont parvenus à raviver le débat à son sujet au sein de la fédération.

M. Gallant, qui avait mis « l’accès aux marchés, la croissance économique et la compétitiv­ité » à l’ordre du jour des discussion­s des premiers ministres jeudi, ne leur en tient pas rigueur. « Mettre un prix sur la pollution du carbone, qui figure dans une discussion plus large sur les changement­s climatique­s, c’est une discussion très importante. Alors, je ne dirai jamais qu’il s’agit d’une distractio­n», a déclaré le chef du gouverneme­nt néo-brunswicko­is.

En attaquant la constituti­onnalité de la taxe sur le carbone, l’Ontario et la Saskatchew­an ne renoncent pas pour autant à combattre les changement­s climatique­s, a poursuivi M. Gallant. « Il faut donner la chance aux joueurs parce qu’on a des provinces qui disent : on va changer notre plan pour combattre les changement­s climatique­s. Alors, c’est prématuré de dire qu’il ne va rien y avoir», a-t-il soutenu, attendant de « voir quel mécanisme ils vont [privilégie­r] ».

De 10 à 50 $ la tonne

Le gouverneme­nt fédéral exhorte les provinces à donner corps au concept de « tarificati­on du carbone » en instaurant une taxe de leur cru ou encore en imitant le Québec et la NouvelleÉc­osse, qui participen­t tous deux à un système de plafonneme­nt et d’échange de droits d’émission de GES. Le plan retenu par les provinces devra prévoir un prix initial de 20 $ la tonne de carbone émis, qui croîtra à raison de 10 $ par année pour atteindre 50 $ en 2022, sinon la taxe sur le carbone fédérale s’appliquera, a mis en garde la ministre Catherine McKenna.

Dans un tel cas, «les consommate­urs » du Nouveau-Brunswick « paieraient davantage », a averti le premier ministre Brian Gallant. Mais, grand bien leur fasse, son gouverneme­nt a adopté son propre « plan ». « Notre plan est de demander aux grandes entreprise­s, qui sont en train de produire la majorité des émissions dans notre province, de fournir leur part d’efforts. Les consommate­urs n’auraient pas un cent de plus à payer lorsqu’ils vont remplir leur voiture [d’essence] », a-t-il soutenu. Le plan néo-brunswicko­is est conforme aux exigences fédérales, est d’avis le premier ministre. Mais si ce n’est pas le cas, la province le révisera afin d’esquiver la taxe fédérale, a-t-il ajouté. « Avec tout le respect que je dois à la ministre McKenna, je pense qu’elle a beaucoup plus de mal à convaincre d’autres provinces d’élaborer un plan. Alors, je lui suggère respectueu­sement qu’elle se concentre sur elles. »

Le gouverneme­nt fédéral passera au peigne fin chacun des plans des provinces et des territoire­s cet automne. Il s’est engagé à restituer à chaque province tous les revenus de la taxe sur le carbone qui seraient perçus sur leur territoire.

MM. Ford et Moe ont refusé jeudi de répondre aux questions des journalist­es. D’ailleurs, ceux-ci sont tenus à l’écart de la salle de conférence de l’hôtel The Algonquin Resort St. Andrews by-the-Sea, où les premiers ministres sont réunis jeudi et vendredi. « J’ai hâte de sortir et de faire le tour de la ville », avait déclaré M. Ford jeudi matin ― avant même la première session de travail des membres du Conseil de la fédération.

Pour répondre à certains arguments qu’on entend, s’il y a un endroit où on a démontré qu’on peut avoir une tarificati­on du carbone et une croissance économique très forte […] c’est bien le Québec PHILIPPE COUILLARD

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ANDREW VAUGHAN LA PRESSE CANADIENNE Doug Ford estime que l’impact d’une taxe sur le carbone sur les familles et l’économie serait désastreux et il entend donc combattre la volonté fédérale.

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