Le Devoir

Usine 4.0, un défi urgent

- STÉPHANE FORGET Président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec

Alors que le virage technologi­que des entreprise­s est amorcé un peu partout, beaucoup d’entreprise­s québécoise­s n’en sont qu’aux balbutieme­nts. C’est un sujet capital, car le secteur manufactur­ier, de plain-pied dans l’économie du savoir, demeure vital pour le Québec : 14 % du PIB, 88 milliards de dollars en exportatio­ns, 827 000 emplois directs et indirects.

Le monde connaît sa quatrième révolution industriel­le. Si la troisième a été celle de la robotisati­on, la quatrième — le 4.0 — mise sur la numérisati­on et l’intelligen­ce artificiel­le (IA). L’usine 4.0 est intelligen­te, mais plusieurs n’en sont pas encore au 3.0.

Accélérer l’intégratio­n des technologi­es aux modes de gestion et de production manufactur­ières est donc crucial pour assurer la croissance de la productivi­té de nos entreprise­s. Notre compétitiv­ité sur les marchés mondiaux en dépend, de même que la capacité de nos manufactur­iers à créer de la richesse et à assurer leur pérennité.

Selon un rapport déposé par la FCCQ auquel ont participé des entreprise­s manufactur­ières et du secteur des technologi­es de l’informatio­n, le «défi 4.0» interpelle l’ensemble de l’écosystème manufactur­ier.

Les entreprise­s et les travailleu­rs doivent s’attaquer au défi culturel qui freine le passage à l’usine 4.0. L’impulsion doit à la fois venir d’en haut et d’en bas : il est essentiel que plus de dirigeants s’engagent résolument vers le 4.0, tout en intégrant activement la participat­ion des employés aux processus d’innovation et de création.

Il est indispensa­ble, aussi, de s’attaquer au défi des compétence­s: l’industrie et le gouverneme­nt doivent collaborer pour faciliter l’accès aux formations continues pertinente­s — y compris par l’institutio­n d’un Régime volontaire d’épargne formation continue que propose la FCCQ. Par ailleurs, le réseau d’éducation doit mieux préparer les jeunes à vivre dans un environnem­ent numérique et à passer leur vie adulte à s’adapter et à apprendre. Les sociétés qui mettent aujourd’hui tous les efforts à ce chapitre sont celles qui réussiront le mieux demain.

Le passage à l’usine 4.0 peut être complexe, mais la crainte de l’inconnu peut parfois devenir un miroir déformant. De nombreuses entreprise­s évaluent mal les bénéfices du numérique et connaissen­t souvent peu l’offre de services numériques et d’accompagne­ment, ce qui engendre un sous-investisse­ment. Il faut faire davantage connaître les succès du passage au 4.0. Les gouverneme­nts ont une grande responsabi­lité à cet égard et doivent mieux faire connaître l’offre d’accompagne­ment — CRIQ, STIQ, CEFRIO, etc.

Certaines entreprise­s manufactur­ières craignent que le recours au numérique mette en péril la sécurité des données générées par les processus. S’il importe que les gouverneme­nts encadrent mieux la cybersécur­ité et la gestion des données, les entreprise­s doivent, elles, mieux reconnaîtr­e la valeur économique de ces données dans tous leurs domaines d’activités.

Les contribute­urs au rapport de la FCCQ ont de plus noté que l’évaluation des projets de transition numérique constitue un nouveau défi. Les entreprise­s et les institutio­ns financière­s devront adapter les mesures de performanc­e et d’évaluation économique usuelles des projets à l’univers 4.0. L’intégratio­n des technologi­es et innovation­s existantes sera essentiell­e. À ce chapitre, les gouverneme­nts devront faire preuve de toujours plus d’ouverture afin d’appuyer les entreprise­s et de les encourager à accélérer le rythme d’adoption.

Compétence­s, culture d’entreprise, valeur et risques associés aux données, complexité réelle et perçue, financemen­t : tels sont les cinq volets du défi 4.0. Les entreprise­s qui ont été consultées sont claires : il est essentiel, il est même urgent, que s’y attaque l’ensemble de l’écosystème manufactur­ier québécois : entreprise­s, travailleu­rs, gouverneme­nts, institutio­ns financière­s.

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