Trump écorche la Fed
Rompant avec la tradition, le président a critiqué dans une entrevue télévisée la politique monétaire de la banque centrale américaine
Le président américain, Donald Trump, a ouvertement critiqué jeudi la politique monétaire de la Fed, une initiative rarissime de la part de l’exécutif face à une banque centrale qui se targue de son indépendance.
« Je ne suis pas content » de la politique monétaire, qui relève progressivement les taux d’intérêt, «mais en même temps, je les laisse faire ce qu’ils estiment être le mieux », a affirmé M. Trump dans un entretien à la chaîne financière CNBC qui sera diffusé dans son intégralité vendredi.
Tout en affirmant avoir « placé un homme très bien » à la tête de la Fed en la personne de Jerome Powell, qui a succédé à Janet Yellen, le président américain a déclaré qu’il n’était « pas enchanté » par sa politique monétaire.
« Parce que nous sommes en croissance, ils veulent relever encore les taux d’intérêt. Je ne suis pas content de cela », a affirmé M. Trump.
Il a aussi dénoncé la montée du dollar, dopé par les perspectives de relèvement des taux et par les conflits commerciaux. « Regardez l’euro […] il tombe ! La Chine : leur monnaie est en chute libre. Cela nous met dans une position désavantageuse », a-t-il martelé.
Par ces commentaires, l’hôte de la Maison-Blanche a une fois de plus rompu avec la tradition qui veut que le président respecte l’indépendance des décisions de la Réserve fédérale. Il est rarissime qu’un président s’en prenne ainsi ouvertement aux choix de la Fed.
Celle-ci, qui a entamé une sortie de la politique monétaire à taux zéro depuis deux ans, entend relever graduellement son taux directeur encore deux fois cette année pour le situer à près de 2,50 %, au lieu de 2 % aujourd’hui.
Hausse du crédit
La Banque centrale veut ainsi maîtriser l’inflation et éviter une surchauffe après le stimulus budgétaire massif décidé par le gouvernement Trump et alors que le marché de l’emploi est très étroit, favorisant la hausse des prix.
Mais en relevant au jour le jour le taux de l’argent que les banques se prêtent entre elles, ce resserrement monétaire renchérit le coût du crédit pour les consommateurs et entrepreneurs, ce qui n’est pas du goût du gouvernement.
Interrogé lors de sa première conférence de presse, en mars, sur le fait de savoir s’il craignait d’éventuelles futures pressions de la Maison-Blanche sur la direction de la politique monétaire, le nouveau patron de la Fed, Jerome Powell, avait répondu: «Non, cela ne me tient pas éveillé la nuit. Vous pouvez compter sur nous pour rester concentrés sur notre tâche. »
M. Trump a reconnu que ses commentaires pourraient inquiéter certaines personnes, étant donné qu’il est généralement admis que la Fed doit fonctionner de façon indépendante, sans être soumise à la pression du monde politique ou de la Maison-Blanche.
Après la diffusion de l’entretien avec CNBC, une porte-parole de la MaisonBlanche, Lindsay Walters, a indiqué que le président « respectait l’indépendance de la Fed ».
«Les opinions du président sur les taux d’intérêt sont bien connues, et ses commentaires d’aujourd’hui ne font que réitérer les opinions qu’il défend depuis longtemps et ses commentaires publics », a indiqué Mme Walters.
Au cours de la campagne électorale de 2016, M. Trump s’était montré très critique de la Fed et avait accusé ses dirigeants de garder les taux d’intérêt à de très faibles niveaux pour favoriser les démocrates.
Parce que nous sommes en croissance, ils veulent relever encore les taux d’intérêt. Je ne suis pas content de cela. DONALD TRUMP