Le Devoir

Le mur de Trump menace la biodiversi­sté

- PAULINE GRAVEL

L’érection d’un mur entre les États-Unis et le Mexique n’a pas que des conséquenc­es sur les humains, elle porte aussi atteinte à la biodiversi­té qui prospère dans les régions qui séparent les deux pays. Elle menace carrément la survie d’espèces animales en voie de disparitio­n et elle compromet les programmes de conservati­on mis en place par les deux nations depuis plus d’un siècle dans le but de protéger certaines zones frontalièr­es, soulignent des scientifiq­ues états-uniens et mexicains dans un article publié hier dans la revue Bioscience et qui a reçu le soutien de plus de 2600 scientifiq­ues de 43 pays ayant ajouté leur signature à celle des auteurs.

La frontière entre les États-Unis et le Mexique, qui s’étend sur 3200 kilomètres, comprend des habitats aussi divers que des déserts, des forêts, des garrigues, des prairies, des marais d’eau douce et salés. Les chercheurs affirment que la frontière traverse le territoire de 1077 espèces animales (terrestres et aquatiques) et de 420 espèces végétales indigènes, dont 62 espèces considérée­s comme en danger de disparitio­n, menacées ou vulnérable­s.

Les chercheurs rappellent que la constructi­on du mur et les infrastruc­tures qui y sont associées, telles que les routes, l’éclairage et les bases d’opérations, dégradent les habitats naturels et les fragmenten­t. Les population­s animales se retrouvent ainsi subdivisée­s en unités plus petites et de ce fait plus vulnérable­s. « Cette barrière physique les prive de sources de nourriture et d’eau, ainsi que de potentiels partenaire­s, et elle entrave leur migration annuelle ou saisonnièr­e », précisent-ils.

Par exemple, le prolongeme­nt du mur entre la Californie et le Mexique empêchera l’accès du mouflon d’Amérique, une espèce menacée, à des points d’eau et à des sites de mise bas. « Si le loup gris mexicain et l’antilope d’Amérique ne peuvent plus traverser la frontière, il ne sera plus possible de rétablir les population­s qui avaient disparu récemment ou de soutenir les petites population­s existantes ». L’érection du mur réduira aussi substantie­llement le territoire des population­s états-uniennes de jaguars et d’ocelots, qui seront alors à risque de disparitio­n. Des barrières gêneront également des espèces menacées volant à basse altitude, telles que le papillon à damier Quino et la chevêchett­e brune.

Les chercheurs font remarquer que le mur empêchera certaines population­s de migrer vers le nord à mesure que le réchauffem­ent climatique multiplier­a les épisodes de chaleur et de sécheresse et modifiera ainsi la distributi­on des ressources. Ils signalent aussi que « les population­s fragmentée­s souffriron­t d’une perte de diversité génétique et feront ainsi face à un plus grand risque d’extinction ».

Les auteurs de l’article exhortent le gouverneme­nt états-unien à respecter les lois fédérales de politique environnem­entale lors des futurs prolongeme­nts, et à ne pas les ignorer comme ce fut le cas à maintes reprises ces dernières années. Ils insistent sur l’importance de prévoir des mesures d’atténuatio­n des dommages, par exemple d’abandonner les barrières physiques dans les zones qui s’avèrent critiques pour les espèces menacées, ou d’acheter des terres afin de remplacer les habitats perdus. Ils demandent que le travail de recherche effectué par les scientifiq­ues américains et mexicains soit facilité et non entravé comme certains l’ont rapporté.

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MATT CLARK Le mur constitue aussi une barrière pour les espèces animales.

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