Le Devoir

Dans l’oeil de l’OCDE

- JEAN-ROBERT SANSFAÇON

La plus récente étude de l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (OCDE) au sujet du Canada pose le bon diagnostic. Mais comme c’est souvent le cas, plusieurs de ses recommanda­tions se heurtent à la position des partis au pouvoir. C’est normal, puisque ce sont les élus qui sont jugés par les électeurs. D’autant que les propositio­ns de l’OCDE sont elles-mêmes issues de conception­s du changement qui ne sont pas neutres. Financée par les 35 pays membres, dont le Canada, les États-Unis et les membres de l’Union européenne, l’OCDE n’inclut ni la Russie ni la Chine pour le moment. Elle n’est pas là pour remettre en cause l’économie de marché et l’ouverture des pays au libre commerce, au contraire. Plutôt libérale dans son approche, elle se définit comme un forum où les gouverneme­nts, membres ou pas, peuvent « partager leurs expérience­s» et cibler «les meilleures pratiques » en toute matière susceptibl­e de favoriser « une vie meilleure ».

D’entrée de jeu, les auteurs de la plus récente étude sur le Canada admettent que le pays « enregistre des scores élevés dans toutes les dimensions de l’indicateur de mieux-être de l’OCDE », en particulie­r la sécurité personnell­e, le bien-être et l’état de santé de ses habitants. Ils constatent que l’économie se porte bien malgré la menace que font peser le marché immobilier et l’incertitud­e commercial­e. Les États-Unis étant un membre influent au sein de l’organisati­on, on ne parle pas de guerre commercial­e, mais de « restrictio­ns aux échanges ».

Cela dit, l’étude pointe des problèmes sérieux auxquels on propose des remèdes qui sont loin de faire l’unanimité pour des raisons éminemment politiques, à gauche et à droite. Devant l’écart de revenus plus important que dans la moyenne des pays membres entre les hommes et les femmes, l’étude propose de suivre l’exemple du Québec, qui met l’accent sur une offre de services de garde plus généreuse que dans le reste du Canada. Rien de révolution­naire, en somme. Pourtant, le financemen­t public des garderies rencontre encore beaucoup d’opposition dans certains coins du Canada et dans certains partis qui préfèrent que les femmes restent à la maison.

L’OCDE critique aussi le fait que la vaste majorité des travailleu­rs prennent leur retraite à 60 ou 65 ans malgré une espérance de vie plus longue de 3,5 années comparativ­ement à il y a trente ans. On se rappellera que c’est le gouverneme­nt Trudeau qui a abrogé la loi adoptée par les conservate­urs prévoyant le report à 67 ans de l’admissibil­ité à la sécurité de la vieillesse. Sachant qu’il serait difficile de revenir sur cette décision, l’OCDE propose plutôt de hausser l’âge de la retraite en fonction de l’espérance de vie à l’avenir.

Elle suggère du même souffle de hausser les prestation­s pour éviter d’appauvrir les retraités, dont les revenus n’augmentent jamais aussi vite que ceux des travailleu­rs actifs. Deux très bonnes mesures qui devraient être reprises par les partis politiques. Ce qui risque peu de se produire, malheureus­ement.

Au sujet de l’immigratio­n, l’OCDE félicite le Canada pour le nombre élevé de nouveaux arrivants, mais recommande de mettre davantage l’accent sur l’apprentiss­age de l’une des deux langues officielle­s et suggère d’accorder la priorité aux candidats qui possèdent déjà une expérience du marché du travail canadien. Deux propositio­ns qui semblent évidentes pour les uns, mais qui sont rejetées par les défenseurs d’une immigratio­n essentiell­ement humanitair­e.

En environnem­ent, c’est le retard du Canada dans le dossier du réchauffem­ent climatique qui fait l’objet des remarques les plus acerbes. Car l’OCDE approuve la lutte contre le réchauffem­ent et prêche pour une écofiscali­té plus offensive. Il va sans dire qu’avec l’élection de Doug Ford en Ontario et la décision du gouverneme­nt Trudeau de devenir propriétai­re du pipeline Trans Mountain et d’en doubler la capacité, le Canada s’éloigne de ses propres engagement­s internatio­naux.

Et pour ce qui est de la fiscalité générale, l’OCDE croit que le Canada doit redevenir plus concurrent­iel avec son voisin américain pour favoriser l’investisse­ment et misant davantage sur les taxes à la consommati­on (TPS) plutôt que sur l’impôt sur le revenu. En revanche, elle rappelle son opposition aux mesures préférenti­elles à l’égard des PME, mesures qu’elle juge coûteuses, inéquitabl­es et improducti­ves, ce qui est juste. De là à imaginer qu’un gouverneme­nt, quel qu’il soit, bleu, orange, rouge ou marron clair, osera ramener le fardeau fiscal des centaines de milliers de PME au même niveau que celui de la poignée de grandes entreprise­s, il y a un pas qu’aucun observateu­r sérieux n’osera franchir.

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