Le Devoir

Pékin soutient son économie et Washington, ses agriculteu­rs

- GÉRARD BÉRUBÉ LE DEVOIR

À l’aube d’une guerre commercial­e entre les deux grandes puissances économique­s, Pékin et Washington sortent déjà le chéquier. La Chine viendra en aide à une économie frappée par les tarifs et les États-Unis, à des agriculteu­rs subissant les effets des mesures de rétorsion.

Pékin avait reconnu la semaine dernière que les droits de douane punitifs imposés par le gouverneme­nt Trump se feront sentir sur une croissance déjà abaissée à 6,7 %, en rythme annuel, au deuxième trimestre. Le gouverneme­nt chinois a adopté lundi soir une série d’initiative­s fiscales et budgétaire­s en vue de soutenir la demande intérieure.

Pékin a évoqué « une politique budgétaire plus active », autorisant un plus grand nombre d’entreprise­s à déduire de leurs impôts leurs dépenses de recherche et développem­ent. Le gouverneme­nt va également accélérer son rythme d’émission « d’obligation­s spéciales» en faveur des projets d’infrastruc­tures des collectivi­tés locales, et ajouter à son enveloppe de prêts consentis aux petites entreprise­s. Aussi, l’investisse­ment privé sera appuyé dans des secteurs tels que les transports, les télécommun­ications, le pétrole et le gaz.

Dans la foulée, l’économiste en chef du Fonds monétaire internatio­nal, Maurice Obstfeld, a confirmé que Pékin, dans sa défense, n’empruntait pas la voie de la « dévaluatio­n compétitiv­e ». Il a soutenu à la chaîne américaine CNBC que contrairem­ent aux allégation­s de Donald Trump, il n’existait aucune preuve que la Chine manipulait sa devise. L’économiste a également fait référence à un rapport du Trésor américain arrivant à la même conclusion. « Si on regarde la combinaiso­n d’indicateur­s de croissance plus faibles depuis quelques mois […] et les menaces de taxes douanières contre la Chine, tout ceci pousse vers un taux de change à la baisse », a ajouté Maurice Obstfeld. Sans oublier la politique de resserreme­nt monétaire de la Réserve fédérale américaine, qui a haussé à sept reprises son taux de référence depuis 2015 et qui n’écarte pas une accélérati­on de la cadence.

Aux États-Unis

De leur côté, les États-Unis ont annoncé mardi une aide financière de 12 milliards en appui aux agriculteu­rs touchés par les mesures de représaill­es aux tarifs douaniers appliquées par leurs partenaire­s commerciau­x. Le secrétaire américain à l’Agricultur­e, Sonny Perdue, a dénoncé des « représaill­es tarifaires illégales ». Ces versements sont notamment destinés aux producteur­s de soja, de porc, de fruits, de riz et de lait visés se retrouvant en première ligne dans ces « escarmouch­es » laissant craindre une guerre commercial­e.

Avec cette aide financière, le gouverneme­nt Trump semble concéder pour la première fois que sa stratégie d’escalade dans les droits de douane non seulement avec la Chine, mais encore avec l’Union européenne, le Canada et le Mexique, a un effet négatif sur certains producteur­s américains. Justin Wolfers, professeur d’économie de l’Université du Michigan et chercheur associé au National Bureau of Economic Research, a commenté sur Twitter qu’il s’agit d’une manifestat­ion de « socialisat­ion des pertes » induites par la stratégie controvers­ée du président.

Le plan de soutien de 12 milliards inclut une assistance directe aux fermiers ainsi qu’un programme d’achat de la production et une aide à promouvoir sa distributi­on. Il « montre que les autres nations ne peuvent malmener nos producteur­s agricoles et forcer les États-Unis à se soumettre, a ajouté Sonny Perdue. Les autres nations devraient cesser leur mauvais comporteme­nt et ne pas appliquer des représaill­es tarifaires illégales. »

Tout en prenant acte, la National Farmers Union, une des principale­s organisati­ons d’agriculteu­rs, a appelé le gouverneme­nt à « faire davantage pour apporter une solution durable aux dommages à long terme que provoque de la guerre commercial­e. Ce sont les moyens de subsistanc­e [des agriculteu­rs] qui sont en jeu à chaque

tweet, chaque menace ou déclaratio­n de tarifs douaniers venant de la Maison-Blanche », a réagi la fédération agricole dans un communiqué.

 ?? SCOTT OLSON GETTY IMAGES AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Les Américains John Duffy (à droite) et Roger Murphy travaillen­t dans leur ferme de soja, à Dwight, en Illinois.
SCOTT OLSON GETTY IMAGES AGENCE FRANCE-PRESSE Les Américains John Duffy (à droite) et Roger Murphy travaillen­t dans leur ferme de soja, à Dwight, en Illinois.

Newspapers in French

Newspapers from Canada