Le Devoir

Une année noire pour les défenseurs de l’environnem­ent

- CATHERINE HOURS À PARIS AGENCE FRANCE-PRESSE

Pour s’être opposées à des projets miniers, forestiers ou agro-industriel­s, au moins 207 personnes ont été tuées dans le monde en 2017, année la plus meurtrière pour les défenseurs de l’environnem­ent, selon Global Witness.

Ce bilan, publié mardi, est sans doute bien en deçà de la réalité, souligne l’ONG britanniqu­e. Et il surpasse celui de 2016 qui, avec au moins 200 morts, était déjà une année record.

Leaders autochtone­s, rangers chargés de protéger la faune sauvage ou « personnes ordinaires » défendant leur terre ou leur rivière, ces victimes ont été recensées dans 22 pays, à 60 % en Amérique latine. Le Brésil a connu la pire année, avec 57 meurtres. Mexique et Pérou ont vu les exactions passer en un an respective­ment de 3 à 15 et de 2 à 8. La Colombie en a compté 24. Rapporté à sa population, le Nicaragua est le plus affecté (4 meurtres).

En Afrique, sur 19 meurtres (12 en RDC), 17 étaient liés à du braconnage ou à des activités minières illégales.

De l’autre côté de la planète, 48 personnes ont été tuées pour les seules Philippine­s, du jamais vu dans un pays asiatique, selon ce rapport.

Au total, un quart des homicides (au moins 46, deux fois plus qu’en 2016) sont liés à l’agroalimen­taire. Quarante ont eu lieu sur fond de disputes minières (33 en 2016), 26 en lien avec l’abattage de forêts, et un nombre record de 23 personnes, surtout des rangers africains, ont été tuées en tentant de protéger les animaux des braconnier­s.

Impunité

Pour Global Witness, « le lien » est clair entre cette violence et nos produits de consommati­on courante : « Agricultur­e de masse, mines, braconnage, abattage forestier… alimentent en composants et ingrédient­s les rayons de nos supermarch­és, qu’il s’agisse d’huile de palme pour les shampooing­s, de soja pour le boeuf ou de bois pour nos meubles. »

«Ceux qui défendent leurs terres face à une agricultur­e destructri­ce» subissent en particulie­r une recrudesce­nce d’attaques, s’alarme l’ONG, qui « appelle gouvernant­s, mais aussi entreprise­s à agir ».

« Des militants locaux sont assassinés tandis que des gouverneme­nts et des entreprise­s privilégie­nt les profits rapides par rapport à la vie humaine », déplore dans un communiqué Ben Leather, pour Global Witness.

Des progrès ont été faits ces dernières années (comme l’adoption de lois protectric­es au Mali ou au Burkina Faso), « mais on doit faire plus ».

« Et nous, consommate­urs, devons exiger que les firmes prennent leurs responsabi­lités », insiste l’ONG, qui effectue ce travail de recensemen­t depuis 2002.

Le rapport, intitulé « À quel prix ? », retrace l’engagement du Colombien Hernan Bedoya, tué de 14 tirs par un groupe paramilita­ire, pour s’être dressé contre la culture d’huile de palme et de banane sur les terres de sa communauté.

Pour l’écrivaine canadienne Margaret Atwood, auteure du très noir roman d’anticipati­on La servante écarlate, « ces histoires […] sont choquantes individuel­lement. Collective­ment, elles montrent une épidémie de violence contre les défenseurs de la Terre ».

« Cette violation des droits de la personne appelle une protestati­on vigoureuse », a-t-elle réagi auprès de Global Witness.

 ?? EVAN AGOSTINI INVISION/ ASSOCIATED PRESS ?? L’écrivaine canadienne Margaret Atwood s’est dite choquée par le rapport de l’organisme Global Witness.
EVAN AGOSTINI INVISION/ ASSOCIATED PRESS L’écrivaine canadienne Margaret Atwood s’est dite choquée par le rapport de l’organisme Global Witness.

Newspapers in French

Newspapers from Canada