Le Devoir

Un nouveau scandale de faux vaccins éclate

La colère de la population reste vive malgré le retrait des lots falsifiés et les excuses publiques de la société

- ZHIFAN LIU À PÉKIN LIBÉRATION

Le deuxième producteur pharmaceut­ique du pays est accusé d’avoir commercial­isé plus de 250 000 faux vaccins destinés à des nourrisson­s. Un accroc supplément­aire dans la confiance des Chinois en leur système de santé.

Depuis cette fin de semaine, des milliers de parents chinois ont exprimé leur colère sur Weibo, le principal réseau social local, et exigé des sanctions exemplaire­s contre les dirigeants de la compagnie pharmaceut­ique Changchun Changsheng, dont l’action a chuté de plus de 40 % depuis le début du scandale.

Deuxième producteur de vaccins du pays, Changchun Changsheng est accusé depuis le 15 juillet d’avoir violé le protocole de fabricatio­n de plus de 100 000 vaccins contre la rage. L’autorité chinoise de régulation des aliments et des médicament­s a par ailleurs découvert que Changsheng, qui signifie « longue vie » en chinois, avait aussi commercial­isé plus de 252 000 vaccins falsifiés contre le DPT (diphtérie, coqueluche, tétanos).

Des infraction­s « épouvantab­les »

Une enquête lancée par autorités locales de la province du Jilin (Nord-Est) a entraîné l’arrestatio­n de cinq dirigeants de l’entreprise.

Malgré le retrait des lots incriminés et les excuses publiques de la société, le mécontente­ment de la population n’a cessé de s’intensifie­r. De quoi provoquer la réaction du président chinois, qui s’est exprimé sur le sujet depuis le Sénégal. En visite d’État, Xi Jinping a qualifié les infraction­s commises par l’entreprise d’« épouvantab­les ». Idem du côté du premier ministre chinois, Li Keqiang, qui a exigé la tolérance zéro envers les coupables, avant de s’émouvoir que l’affaire avait « brisé la confiance des gens ». Liu Tang n’a jamais vraiment eu confiance dans le système de santé chinois. Grand-mère d’un nourrisson de 18 mois dont elle s’occupe quotidienn­ement, elle privilégie les vaccins fabriqués à l’étranger, « même s’ils ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale, contrairem­ent aux vaccins locaux ». Mais pour elle, la santé du bébé n’a pas de prix : « Si les vaccins chinois ne sont pas sûrs à 100 %, il me semble normal de payer pour assurer la santé de mon petit-fils », affirme-t-elle à Libération.

Lait maternel contaminé

Cette perte de confiance ne date pas d’hier, tant les Chinois semblent désabusés par les nombreux scandales alimentair­es et sanitaires qui font la une des journaux. En novembre, une entreprise du Wuhan avait elle aussi commercial­isé des vaccins falsifiés contre le DPT. En 2013, sept nourrisson­s avaient trouvé la mort après avoir été vaccinés contre l’hépatite B.

Comme lors de chaque scandale, toutes les discussion­s ravivent les souvenirs de l’été 2008, quand une entreprise chinoise avait commercial­isé du lait maternel contenant de hautes quantités de mélamine. Plus de 200 000 nourrisson­s avaient été contaminés, avec six morts au total. Depuis, les parents chinois privilégie­nt encore le lait importé depuis l’étranger.

Li Miao (le nom a été modifié), père de deux filles de 6 et 13 ans, ne veut pas se contenter d’acheter des produits importés. Il est dans l’attente d’un visa pour s’installer avec sa famille en Pologne : « Le système de santé chinois est une des raisons pour laquelle je veux emmener mes enfants vivre à l’étranger. Je veux qu’elles puissent bénéficier d’un meilleur cadre de vie. »

L’autorité chinoise de régulation des aliments et des médicament­s a découvert que le géant Changsheng avait aussi commercial­isé plus de 252 000 vaccins falsifiés contre le DPT.

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