Le Devoir

« Nous y sommes presque »

Ottawa espère s’organiser directemen­t avec les municipali­tés pour son plan de triage des migrants

- MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Le Québec pourrait finalement se voir soulagé de l’arrivée de migrants à sa frontière « très bientôt ». Bien qu’Ottawa ait admis cette semaine que son plan de triage avec l’Ontario était en veilleuse, à la suite de l’arrivée en scène du nouveau gouverneme­nt provincial, le fédéral mise néanmoins en parallèle sur une entente directe avec des villes ontarienne­s qui pourraient accueillir des demandeurs d’asile d’ici quelques semaines.

« Nous y sommes presque », a dévoilé un haut fonctionna­ire du gouverneme­nt fédéral jeudi, lors d’une séance d’informatio­n pour les médias faisant le point sur l’arrivée de migrants au Canada.

Mi-avril, Ottawa promettait à Québec de mettre en place un système de triage afin de rediriger immédiatem­ent vers l’Ontario les demandeurs d’asile qui souhaitent s’y installer. Trois mois plus tard, le plan n’est toujours pas en place. Le ministre fédéral de l’Immigratio­n, Ahmed Hussen, admettait mardi qu’il était face à une impasse tant que le gouverneme­nt ontarien ne veut pas collaborer.

Ottawa a décidé de s’organiser plutôt sans intermédia­ire, avec les municipali­tés elles-mêmes, a expliqué une source bien informée au Devoir.

« Nous espérons l’avoir en place dès que possible. Il est difficile de dire à quel moment, précisémen­t », s’est contenté d’avancer le haut fonctionna­ire, lors de la séance d’informatio­n offerte sous le couvert de l’anonymat. « Mais c’est notre objectif : très, très bientôt. »

Le fédéral a d’ailleurs précisé que 540 demandeurs d’asile logés dans des résidences collégiale­s à Toronto seront déplacés dans des chambres d’hôtel. Ces migrants s’apprêtaien­t à être expulsés, car les résidences devront être libérées le 9 août pour faire place aux étudiants qui reviendron­t sur le campus en vue de la rentrée des classes. Ottawa assumera les frais de séjour à l’hôtel jusqu’au 30 septembre, après quoi la ville de Toronto devra trouver des logements sociaux.

Le plan de triage du Québec vers l’Ontario sera alors mis en place, espère Ottawa. Environ 40 % des migrants qui entrent de façon irrégulièr­e au Québec depuis les États-Unis souhaitent refaire leur vie en Ontario, ont constaté les fonctionna­ires fédéraux sur le terrain à Saint-Bernard-de-Lacolle — une statistiqu­e qui confirme ce qu’avait estimé le gouverneme­nt québécois.

En moyenne, le ministère de l’Immigratio­n travaille en prévoyant de recevoir environ 24 000 demandes d’asile par année.

Une facture de 65 millions

Depuis janvier, le Canada en a déjà reçu un peu moins de 28 000, toutes catégories confondues. De ce nombre, 10 700 demandes ont été présentées par des migrants entrés de façon irrégulièr­e — en évitant un poste frontalier afin de pouvoir réclamer l’asile même s’ils arrivaient des États-Unis —, dont 10 200 qui avaient traversé la frontière au Québec.

En 2017, le fédéral avait reçu plus de 50 000 demandes d’asile — dont 20 500 liées à des entrées irrégulièr­es au pays.

Pour l’année fiscale 2017-2018, le gouverneme­nt a ainsi dû débourser 65 millions en coûts supplément­aires pour permettre au ministère de l’Immigratio­n, à l’Agence des services frontalier­s et à la Gendarmeri­e royale de gérer ces arrivées plus nombreuses. Immigratio­n Canada a eu besoin à lui seul de 34 millions pour couvrir surtout les frais de santé des demandeurs d’asile — qui ne sont pas couverts par la province d’accueil tant que leur demande n’est pas acceptée.

L’Ontario a envoyé sa facture

Le gouverneme­nt ontarien a par ailleurs officielle­ment réclamé ses 200 millions au fédéral, jeudi.

« L’approche du gouverneme­nt fédéral éprouve maintenant la patience et la générosité des Ontariens», a déploré la ministre des Services sociaux Lisa MacLeod, dans une lettre acheminée à Ottawa. Le gouverneme­nt québécois a pour sa part réclamé 146 millions au fédéral pour la prise en charge des demandeurs d’asile, qui arrivent presque tous sur son territoire.

Le bureau du ministre de l’Immigratio­n Ahmed Hussen a semblé rejeter la demande ontarienne, martelant que l’accueil de demandeurs d’asile « n’est pas un choix, mais bien une obligation » en matière de droit internatio­nal.

« Il est décevant de constater que le gouverneme­nt de l’Ontario a décidé de considérer cela comme un choix et qu’il fasse de la petite politique en diffusant de la désinforma­tion au sujet d’un groupe de personnes vulnérable­s », a fait valoir un porte-parole.

Le gouverneme­nt fédéral a annoncé l’octroi de 36 millions au Québec, 3 millions au Manitoba et 11 millions directemen­t à la Ville de Toronto en réponse à l’arrivée de migrants dans ces régions.

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RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE Environ 40 % des migrants qui entrent de façon irrégulièr­e au Québec souhaitent refaire leur vie en Ontario, ont constaté les fonctionna­ires fédéraux.

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