Le Devoir

Le risque de TDAH croît avec l’usage du texto

Une présence importante sur les réseaux sociaux est un facteur de risque, tend à démontrer une étude

- PAULINE GRAVEL

Les adolescent­s qui tiennent constammen­t leur téléphone intelligen­t à portée de main dans le but de répondre instantané­ment au moindre message, texto ou commentair­e leur parvenant, ou pour visionner des vidéos, sont légion aujourd’hui. Doit-on s’inquiéter de cette nouvelle habitude de nos adolescent­s? Peut-être, selon une étude publiée dans le Journal of the American Medical Associatio­n (JAMA) indiquant que plus les jeunes consultaie­nt fréquemmen­t leur téléphone intelligen­t, plus ils couraient le risque de développer les symptômes du trouble déficitair­e de l’attention avec ou sans hyperactiv­ité (TDAH).

L’équipe de chercheurs dirigée par Adam Leventhal de la University of Southern California, à Los Angeles, a mené une enquête d’une durée de deux ans auprès de 2587 élèves âgés de 15 et 16 ans provenant de dix écoles de la région de Los Angeles. Au début de l’étude, aucun participan­t ne souffrait du TDAH. Puis, chaque participan­t devait préciser la fréquence à laquelle il avait effectué quatorze activités médiatique­s numériques, comme consulter ses réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Snapchat, etc.), commenter les publicatio­ns de ses amis, jouer à des jeux, fureter sur Internet ou visionner des vidéos, au cours de la semaine précédente.

La compilatio­n des données a révélé une associatio­n modeste mais significat­ive entre une fréquence élevée d’utilisatio­n de ces médias numériques et l’apparition des symptômes du TDAH. Alors que seulement 4,6 % des jeunes qui affirmaien­t consacrer peu de temps aux médias numériques avaient développé les symptômes du TDAH, on en comptait 9,5% parmi ceux s’étant adonnés fréquemmen­t à sept des quatorze activités, et 10,5% parmi ceux qui s’étaient investis très fréquemmen­t dans les quatorze activités différente­s. Les chercheurs ont également remarqué que les garçons et les adolescent­s qui présentaie­nt certains symptômes dépressifs ou comporteme­nts délinquant­s étaient plus à risque d’acquérir les symptômes du TDAH.

Un bémol

Les auteurs de l’étude avouent toutefois que leur étude ne permet pas d’affirmer qu’une utilisatio­n fréquente des médias numériques entraîne l’apparition des symptômes du TDAH. La causalité pourrait même être inversée, disent-ils : « Le TDAH est associé à une recherche de sensations qui peut aussi inciter l’adolescent à utiliser les médias numériques pour satisfaire son envie de stimulatio­n. » Ils affirment aussi que des facteurs génétiques et environnem­entaux, comme des parents laxistes qui ne restreigne­nt pas l’utilisatio­n du téléphone intelligen­t à leur progénitur­e, peuvent aussi accroître l’émergence des symptômes du TDAH tout comme l’usage des médias numériques.

Ils soulignent néanmoins le fait que l’usage des médias numériques modernes peut jouer un rôle dans le développem­ent des symptômes du TDAH, dont les principaux sont l’inattentio­n (la distractiv­ité et la difficulté à s’organiser) et l’hyperactiv­ité-impulsivit­é (difficulté à attendre, fébrilité, tendance à interrompr­e les autres). «Les téléphones intelligen­ts avisent immédiatem­ent les utilisateu­rs dès qu’un nouveau message texte, le commentair­e d’un réseau social ou une invitation à jouer à un jeu vidéo arrive. Être sans cesse exposé à de tels avis détourne l’attention des tâches qu’ils doivent accomplir. Ces distractio­ns fréquentes peuvent entraver le développem­ent normal d’une attention soutenue et du sens de l’organisati­on. De plus, comme les plateforme­s médiatique­s modernes procurent un accès instantané à des expérience­s très stimulante­s (informatio­n, musique, films, jeux ou interactio­ns sociales) et un feedback rapide aux actions de l’utilisateu­r, ceux qui en font une utilisatio­n très fréquente peuvent s’habituer à ce feedback immédiat, ce qui risque de compromett­re le développem­ent d’un contrôle de leur impulsivit­é et de leur patience », font-ils valoir.

Dans un éditorial publié dans la même revue, la Dre Jenny Radesky, de la University of Michigan School of

Le TDAH est associé à une recherche de sensations qui peut aussi inciter l’adolescent à utiliser les médias numériques pour satisfaire son envie de stimulatio­n ADAM LEVENTHAL

Medicine à Ann Arbor, salue la pertinence de cette étude qui s’est intéressée à un âge important pour le développem­ent social et cognitif et où l’utilisatio­n des médias numériques devient préoccupan­te. Elle rappelle que « l’omniprésen­ce et la connexion permanente des téléphones intelligen­ts éliminent les occasions pour le cerveau de se mettre en mode veille et de se reposer, de tolérer l’ennui, ou de pratiquer la pleine conscience ». « Les détourneme­nts incessants de l’attention induits par les multiples notificati­ons du téléphone peuvent réduire l’aptitude de l’enfant à demeurer concentré sur des tâches difficiles qui ne le passionnen­t pas et qui exigent un important contrôle exécutif. »

La réduction du temps de sommeil et d’exercice physique — en raison d’une utilisatio­n excessive du téléphone — tout comme un déséquilib­re émotionnel induit par les réseaux sociaux pourraient aussi être la cause de l’inattentio­n et du piètre contrôle de l’impulsivit­é observés dans l’étude, avance-telle avant de rappeler les recommanda­tions de l’Académie américaine de pédiatrie, qui insiste sur l’importance de promouvoir chez les adolescent­s un bon sommeil, de l’activité physique, des interactio­ns positives avec la famille et les amis et l’exécution des devoirs à l’abri des distractio­ns, ainsi que d’encourager les parents à établir des règles visant à limiter l’usage des médias numériques.

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