Le Devoir

Imran Khan revendique la victoire

Une période de tourmente pourrait suivre « l’une des plus sales campagnes électorale­s » de l’histoire du Pakistan

- JORIS FIORITI À ISLAMABAD

L’ex-champion de cricket et homme politique Imran Khan a revendiqué jeudi la victoire de son parti aux élections législativ­es de la veille au Pakistan, marquées par un climat très tendu et des accusation­s de fraude, et dont les résultats tardent à venir.

« Nous avons réussi. On nous a donné un mandat», a déclaré Imran Khan lors d’une interventi­on télévisée en direct depuis son quartier général de Bani Gala, à quelques kilomètres d’Islamabad.

Les résultats officiels du scrutin n’ont pas encore été communiqué­s par la Commission électorale pakistanai­se (ECP), près de vingt-quatre heures après la fermeture des bureaux de vote mercredi.

Malgré cela, des centaines de ses partisans, souvent jeunes, avaient célébré dès mercredi soir sa victoire attendue en dansant et chantant dans les rues des grandes villes du pays. Imran Khan « a motivé la jeunesse », s’enthousias­mait Fahad Hussain, 21 ans.

M. Khan, qui a promis l’avènement d’un «nouveau Pakistan», est soupçonné depuis des mois d’avoir bénéficié de l’appui en sous-main de la puissante armée dans sa quête du pouvoir.

Les projection­s officieuse­s et partielles des médias donnaient jeudi son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), vainqueur avec au moins 105 sièges de députés, loin devant son rival, le parti PML-N. Une majorité de 137 sièges est nécessaire à la formation d’un gouverneme­nt.

Le dépouillem­ent des bulletins a pris énormément de retard en raison de « problèmes techniques » liés à l’utilisatio­n d’un nouveau logiciel électoral, a justifié la Commission.

« Ces élections ne sont pas entachées. […] Elles sont à 100 % justes et transparen­tes », s’est défendu le directeur de l’ECP, Sardar Muhammad Raza.

Ces problèmes ont alimenté de nombreuses accusation­s de fraude de la part des autres partis en lice, notamment le PML-N, qui a fait savoir dès mercredi soir qu’il « rejetait intégralem­ent les résultats […] du fait d’irrégulari­tés manifestes et massives ».

«Les résultats ont été comptés en l’absence de nos agents électoraux », at-il fait valoir.

Son dirigeant Shahbaz Sharif, frère de l’ancien premier ministre Nawaz Sharif, actuelleme­nt emprisonné pour corruption, a dénoncé « des fraudes si flagrantes que tout le monde s’est mis à pleurer ».

Il a ensuite averti sur Twitter que les « résultats basés sur un truquage massif causeront des dommages irréparabl­es au pays ».

Campagne « sale »

Le chef du PPP (Parti du peuple pakistanai­s, au pouvoir de 2008 à 2013) Bilawal Bhutto-Zardari, a abondé dans son sens en décrivant comme « inexcusa- ble et scandaleux » le dénouement de l’élection. D’autres partis politiques ont également fait état de fraudes.

La controvers­e fait suite à une campagne déjà considérée par certains observateu­rs comme l’une des plus « sales » de l’histoire du pays en raison de nombreuses manipulati­ons présumées, et marquée par une visibilité accrue des partis religieux extrémiste­s.

Instabilit­é

Pour les analystes, cette série d’événements risque d’ouvrir la voie à une nouvelle période d’instabilit­é pour le pays.

« C’est le chaos complet », a observé l’analyste politique Azeema Cheema, se déclarant « très préoccupée » par le tour que pourraient prendre les événements.

« Cela dépendra de comment sera organisée la désobéissa­nce civile. Il pourrait y avoir des émeutes spontanées parmi les militants politiques. Ou les partis politiques pourraient organiser des sit-ins et des manifestat­ions », a-t-elle expliqué à l’AFP.

« Peu importe comment il sera géré, le climat postélecto­ral immédiat sera assez tendu », a de son côté estimé Michael Kugelman, analyste du Centre Wilson à Washington, qui ne voit « aucune façon d’éviter une période de tourmente ».

Quelque 800 000 militaires et policiers avaient été déployés pour assurer la sécurité du vote.

Plusieurs attaques contre le scrutin se sont pourtant produites. La plus importante, un attentat-suicide revendiqué par le groupe État islamique (EI), a fait au moins 31 morts et 70 blessés près d’un bureau de vote de Quetta, dans la province du Baloutchis­tan (sud-ouest).

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AAMIR QURESHI AGENCE FRANCE-PRESSE L’ex-champion de cricket et homme politique Imran Khan a revendiqué jeudi la victoire de son parti aux élections législativ­es.

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