Le Devoir

La Banque centrale européenne prudente au lendemain du tête-à-tête Trump-Juncker

L’apparent déblocage sur les tarifs douaniers est « un bon signe », mais la menace du protection­nisme reste important dit le président de la BCE

- JEAN-PHILIPPE LACOUR À FRANCFORT AGENCE FRANCE-PRESSE

La Banque centrale européenne a jugé jeudi prématuré d’être rassurée par l’amorce de trêve dans le conflit commercial américano-européen et a maintenu le cap d’un resserreme­nt monétaire progressif décidé en juin.

L’institutio­n gardienne de l’euro a confirmé jeudi la fin anticipée de son programme de rachat d’actifs à la fin de l’année, avant une éventuelle première hausse des taux au plus tôt à l’été 2019.

Les gardiens de l’euro se sont réunis au lendemain de négociatio­ns, à Washington, entre le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le président américain, Donald Trump, qui ont temporaire­ment désamorcé la crise née des tarifs douaniers imposés par les États-Unis. Et le patron de la BCE, Mario Draghi, est resté prudent, comme d’autres Européens, estimant lors d’une conférence de presse qu’il s’agit d’un « bon signe », mais qu’il est « trop tôt » pour juger des résultats.

MM. Trump et Juncker ont pris une série de décisions dans l’agricultur­e, l’industrie et l’énergie, dont la portée exacte reste à confirmer. En attendant, pour la BCE, «la menace du protection­nisme reste importante ».

Malgré tout, le banquier central a estimé que « l’économie de la zone euro continue d’avancer sur un solide chemin de croissance ». Qui plus est, l’euro se trouve «dans une constituti­on bien plus solide» qu’il y a six ans, quand le risque d’implosion de la zone euro avait poussé le gardien de la monnaie unique à se déclarer prêt à « tout faire » pour la sauver.

Côté politique monétaire, la BCE n’a pas précisé davantage qu’en juin le moment d’une éventuelle hausse de ses taux, se bornant à répéter qu’ils vont rester à leur plus bas niveau « au moins jusqu’à l’été 2019 » et aussi longtemps qu’il le faudra « pour assurer la poursuite de la convergenc­e durable de l’inflation» vers son objectif proche de 2 %. « Cette formulatio­n suggère que le Conseil est convaincu que cette convergenc­e a lieu », a commenté Stefan Kipar, économiste chez BayernLB. Mais l’institutio­n mentionne des facteurs de risque nouveaux depuis le mois dernier, « notamment l’état du débat sur le commerce » internatio­nal.

Invité à préciser quand une première hausse pourrait intervenir, « M. Draghi a esquivé la question. Cela signifie qu’une première hausse des taux est encore si loin pour la BCE qu’elle s’accommode d’une certaine incertitud­e sur les marchés », commente Carsten Brzeski, économiste chez ING Diba.

Jeudi, le principal taux de refinancem­ent a été maintenu à zéro, tandis que les banques vont continuer à payer auprès de la BCE un intérêt négatif de 0,4% pour les liquidités dont elles n’ont pas l’utilité immédiate.

Pour les prochains mois, la BCE prévoit toujours une sortie progressiv­e, d’ici fin décembre 2018, du «QE», c’est-à-dire du rachat massif de dettes publiques et privées, qui passera par une décrue de son rythme entre octobre et décembre, à 15 milliards d’euros mensuels contre 30 milliards actuelleme­nt. L’institutio­n se garde toutefois la possibilit­é de changer de cap, conditionn­ant l’abandon du QE à des données confirmant les perspectiv­es d’inflation de son Conseil des gouverneur­s « à moyen terme ».

Annoncé en janvier 2015, le QE a permis à la BCE de déverser près de 2500 milliards d’euros de liquidités sur le marché pour favoriser le financemen­t des ménages et des entreprise­s afin qu’ils stimulent la croissance et l’inflation.

Par rapport à juin, la BCE a été un peu plus optimiste sur l’inflation, bien que celle-ci, affichant un taux de 2% en juin, soit descendue à 0,9% contre 1,1 % le mois précédent, une fois débarrassé­e de l’énergie et de l’alimentati­on, les composants les plus variables de l’indice. « Il est bien trop tôt pour crier victoire », a martelé jeudi M.Draghi, qui a néanmoins noté comme « point positif» la récente hausse nominale des salaires en zone euro.

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DANIEL ROLAND AGENCE FRANCEPRES­SE La Banque centrale européenne ne prévoit pas d’augmenter ses taux d’intérêts pendant la prochaine année.

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