Le Devoir

Les incendies de forêt, une menace croissante

- AMÉLI PINEDA

Après la Grèce et la Suède, la Californie et l’Ontario brûlent à leur tour. Les incendies de forêt dans les pays nordiques constituen­t désormais une menace croissante en raison des changement­s climatique­s, préviennen­t des experts, qui estiment que le pire est à venir.

« Avec les changement­s climatique­s, ce qui est prévu, c’est une augmentati­on des feux de forêt », avertit Yves Bergeron, professeur d’écologie forestière à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamin­gue et à l’Université du Québec à Montréal.

Les épisodes de chaleur se font plus nombreux, et les précipitat­ions deviennent quant à elles rares. « On n’a encore rien vu », met en garde Edward Struzik, membre du Queen’s Institute for Energy and Environmme­ntal Policy en Ontario. « L’Arctique se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde », souligne-t-il.

Les ravages des feux de forêt ont été majeurs partout dans l’hémisphère Nord cette fin de semaine. En Californie, aux États-Unis, au moins six personnes sont mortes, et des milliers ont été évacuées alors qu’un état d’urgence partiel a été déclaré. Près de 12 000 pompiers s’employaien­t dimanche à lutter contre les feux, mais des vents qualifiés d’«erratiques » et l’air sec ont fait progresser des brasiers parfois encore incontrôla­bles.

Plus près de nous, douze des 39 feux de forêt qui ravagent le nord-est de l’Ontario demeurent hors de contrôle.

Le feu « Parry Sound 33 », qui fait rage depuis 10 jours, est le plus important, puisqu’il s’étend sur plus de 76 kilomètres carrés. L’incendie se trouve à environ 7 kilomètres de l’autoroute transcanad­ienne, et la fumée atteint parfois la route 69 et les communauté­s avoisinant­es. Cette route pourrait être fermée sur un segment si la situation devenait trop risquée.

Des centaines de pompiers forestiers de partout au Canada, des États-Unis et du Mexique combattent les brasiers.

En Grèce, le bilan des morts a été révisé à la hausse dimanche. Au moins 91 personnes ont perdu la vie, principale­ment à Mati, une station balnéaire à l’est d’Athènes. Ce village prisé des touristes est ravagé par les flammes depuis près d’une semaine.

En Suède, la virulence des incendies de forêt a contraint les autorités locales à solliciter la solidarité internatio­nale. Pompiers et militaires, appuyés par des avions Canadair, continuaie­nt à les combattre.

Le Québec ne sera pas épargné

Les forêts du Québec ne seront pas épargnées, selon les experts. « Ce qui est prédit par les modèles climatique­s, c’est que les feux vont être deux fois plus importants en 2040, et trois fois plus en 2100 dans la zone propice aux feux au Québec, qui est au sud de la baie James », indique M. Bergeron.

Au Québec, les incendies de forêt prennent généraleme­nt naissance dans les zones plus au nord, où on retrouve une végétation coniférien­ne.

« Ça fait partie du processus naturel de la forêt de pouvoir brûler. Il y a, par exemple, des sortes de pins auxquels ça permet d’ouvrir les cocottes, ça permet la reproducti­on de l’espèce », explique Émilie Bégin, porte-parole de la Société de protection des forêts contre le feu. Dimanche, trois feux étaient en activité, mais maîtrisés, sur le territoire québécois.

Depuis quelques années, on observe toutefois des incendies même dans les forêts de feuillus, reconnus pour être des espèces gorgées d’eau et moins susceptibl­es aux incendies.

« Cette année, on a eu des feux dans la région de Sudbury et du Témiscamin­gue, où on a des forêts plus mixtes. Mon hypothèse, c’est que les conditions de sécheresse sont suffisamme­nt grandes pour passer par-dessus le fait que les feuillus brûlent moins», indique M. Bergeron.

Depuis 2004, les zones arctiques sont également de plus en plus aux prises avec des brasiers, alors que les forêts boréales, la toundra et les tourbières s’assèchent, observe M. Struzik.

« C’était une année extrême ; on a vu 4 % du territoire de l’Alaska et 6 % du territoire du Yukon brûler dans des zones qui ne sont habituelle­ment pas propices à ce type d’incendies. La toundra, c’est juste de l’herbe, il n’y a pas d’arbres. Il fait habituelle­ment si froid et humide que même s’il y a des éclairs qui frappent, c’est extrêmemen­t rare que ça brûle. Cette année-là, il a fait si chaud et le sol était si sec que tout a brûlé », souligne-t-il.

Ces types de feux représente­nt un danger, puisqu’ils sont très éloignés et qu’il est très coûteux d’envoyer des ressources pour les combattre. Quant à ce problème, qu’il qualifie d’internatio­nal, M. Struzik estime qu’il faudra investir dans la recherche auprès des spécialist­es de la foresterie pour développer une expertise des incendies de forêt.

« En ce moment, il n’y a pas de pays avec assez de ressources pour pouvoir combattre tous les incendies qui brûlent sur son territoire », indique M. Struzik.

Depuis quelques années, on observe toutefois des incendies même dans les forêts de feuillus, reconnus pour être des espèces gorgées d’eau et moins susceptibl­es aux incendies

 ?? VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR ?? La communauté grecque de Montréal s’est réunie dimanche lors d’un concert-bénéfice pour aider les victimes des incendies.
VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR La communauté grecque de Montréal s’est réunie dimanche lors d’un concert-bénéfice pour aider les victimes des incendies.

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