Le Devoir

Le talc est-il sûr pour l’hygiène féminine ou peut-il causer le cancer ?

- SHERYL UBELACKER

Le fabricant de poudre pour bébé Johnson & Johnson fait l’objet d’une série de poursuites judiciaire­s, incluant deux actions collective­s au Canada, relativeme­nt à des allégation­s selon lesquelles le talc aurait causé le cancer ovarien chez des milliers de femmes utilisant cette poudre pour leur hygiène génitale.

Si certaines poursuites entendues aux États-Unis se sont conclues par l’octroi par des jurys de compensati­ons massives, les études sur les liens entre le talc et le cancer des ovaires se contredise­nt, laissant les femmes s’interroger : estce sûr ou non ?

« La preuve dont on dispose est partagée et doit être regardée avec scepticism­e », dit le Dr James Bentley, gynécologu­e oncologue de l’Université Dalhousie à Halifax.

Bien que certaines études soutiennen­t avoir trouvé ce qui semble être un lien, d’autres n’ont trouvé aucune corrélatio­n. Ces conclusion­s dépendent en partie de la méthodolog­ie de l’étude en question, indique le Dr Bentley.

Il faut aussi prendre en compte la manière dont les molécules de talc interagiss­ent avec le corps, ce que les chercheurs n’arrivent pas à bien maîtriser, précise le scientifiq­ue.

« On parle d’une irritation chronique de l’ovaire et l’on sait que l’irritation chronique est associée à certains carcinomes, explique le médecin spécialist­e. Possède-t-on de vraies bonnes preuves de ça ? La documentat­ion va constammen­t dans un sens comme dans l’autre. »

Le Dr Daniel Cramer, professeur d’obstétriqu­e, de gynécologi­e et de biologie reproducti­ve au Brigham and Women Hospital de Boston, a été le premier à sonner l’alerte dans une étude datée de 1982 où il traçait un lien direct entre l’usage à long terme du talc sur les parties génitales et le développem­ent du cancer des ovaires.

Puis, en 2016, une étude qu’il dirigeait indiquait que les femmes utilisant de manière habituelle le talc dans la région du vagin augmentaie­nt leur risque de développer une tumeur d’un tiers par rapport aux autres femmes.

« Je suis persuadé par la preuve que le talc saupoudré dans la région génitale va atteindre les ovaires et les ganglions lymphatiqu­es, et cela crée un environnem­ent inflammato­ire pouvant contribuer au développem­ent du cancer », a déclaré le Dr Cramer depuis Boston.

« J’ai toujours cru que les données étaient suffisante­s pour mettre en garde les femmes contre l’utilisatio­n du talc dans leur hygiène féminine », insiste l’expert.

La poudre pour bébé est faite de talc, une substance minérale qui contient trois ingrédient­s primaires : du magnésium, du silicone et de l’oxygène. Le talc peut aussi être naturellem­ent contaminé par l’amiante, une substance reconnue pour causer un cancer mortel appelé mésothélio­me.

La poursuite contre Johnson & Johnson ainsi que Valeant Pharmaceut­icals, qui a racheté l’un des produits en 2012, prétend que le fabricant aurait dû indiquer le risque pour la santé sur les emballages.

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