Les Don Quichotte de l’environnement
Dans son éditorial paru dans Le Devoir du 24 juillet 2018, madame Manon Cornellier critiquait l’achat de l’oléoduc Trans Mountain par le gouvernement Trudeau et soulignait l’incohérence de ce gouvernement dans son soutien au développement des infrastructures permettant l’exploitation du pétrole des sables bitumineux par rapport à sa politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).
La position de madame Cornellier porte sur un aspect tout à fait secondaire dans la lutte menée pour abaisser les émissions de GES, et elle détourne ainsi l’attention du vrai facteur causant le réchauffement climatique. De plus, son analyse manifeste une méconnaissance du rôle joué par l’intégration des marchés énergétiques à l’échelle mondiale.
Mon analyse de la position de madame Cornellier repose sur les faits suivants: le grand responsable des émissions de GES est la consommation des services fournis par les énergies fossiles, comme le transport, le chauffage, la climatisation, etc.
La production des énergies fossiles existe parce qu’il y a une demande pour les services que ces dernières produisent ; tant et aussi longtemps que nous n’attaquerons pas directement la consommation des services fournis par les énergies fossiles, peu de progrès seront réalisés dans la baisse des émissions de GES, comme c’est le cas depuis plus de vingt ans. Selon BP Statistical Review of World Energy, 85 % de l’énergie primaire consommée mondialement en 2017 provenaient des énergies fossiles : pétrole (34 %), charbon (28%) et gaz naturel (23%). De plus, le problème est loin de diminuer, car la croissance annuelle moyenne des émissions de GES fut de 1,7 % durant la dernière décennie.
Le réchauffement climatique est un problème global pour l’ensemble de l’humanité. Il est relié au stock des GES présents dans l’atmosphère; c’est la quantité totale qui compte et non le lieu géographique de leur origine. Il faudra donc un effort concerté de tous les pays. En 2017, la part des émissions de GES provenant du Canada fut de 1,7 %. Il faut reconnaître que le rôle du Canada s’en trouve bien limité.
La contribution négative de l’extraction du pétrole des sables bitumineux aux émissions canadiennes de GES est maintes fois soulignée, et des stratégies sont proposées pour réduire plus ou moins directement cette activité économique. Mentionnons, à ce sujet, les obstructions au développement des projets d’oléoduc et leur financement par les banques, les caisses et les fonds de retraite publics et privés.
Il est possible que la réalisation de telles stratégies limite la production de pétrole à partir des sables bitumineux ; cependant, l’impact sur les émissions de GES serait marginal à cause de l’intégration du marché du pétrole à l’échelle mondiale.
Les réserves de pétrole ne sont pas sur le point d’être épuisées, car elles sont suffisantes pour maintenir une production au niveau actuel au cours des cinquante prochaines années. Tout recul de la production des sables bitumineux en Alberta serait compensé par un accroissement de la production dans d’autres pays. Il en résulterait un changement marginal des émissions de GES.
Plusieurs raisons peuvent être avancées pour s’opposer à l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain et à la participation financière du gouvernement fédéral dans ce projet ; malheureusement, le contrôle des émissions de GES n’est pas une raison valable.
L’exposition d’une banderole sur le mât olympique à la Don Quichotte attire l’attention des médias et peut nous donner bonne conscience. Par contre, elle n’informe pas sur la véritable cause des émissions de GES, qui est la consommation des services fournis par les énergies fossiles, ni sur les moyens d’en réduire l’usage.
Le grand responsable des émissions de GES est la consommation des services fournis par les énergies fossiles, comme le transport, le chauffage, la climatisation, etc. [...] Tant et aussi longtemps que nous n’attaquerons pas directement la consommation des services fournis par les énergies fossiles, peu de progrès seront réalisés dans la baisse des émissions de GES.