Le Devoir

Hun Sen consolide son emprise

Le Canada condamne l’absence d’une réelle opposition au premier ministre en poste depuis trente ans

- AGENCE FRANCE-PRESSE

Le parti du premier ministre Hun Sen a revendiqué une victoire écrasante aux législativ­es de dimanche au Cambodge, un scrutin très controvers­é en l’absence de la principale force d’opposition, dissoute en 2017, et rapidement critiqué par le Canada.

« Nous espérons gagner plus de 100 sièges » sur 125, a déclaré le porte-parole du Parti du peuple cambodgien (PPC), Sok Eysan, citant des résultats préliminai­res fournis par la Commission électorale cambodgien­ne. « Le PPC va obtenir plus de 80 % des suffrages. C’est une énorme victoire pour nous », a-t-il ajouté.

Les résultats définitifs doivent être officialis­és le 15 août. « Nos compatriot­es ont choisi la voie de la démocratie », s’est félicité sur Facebook Hun Sen, au pouvoir depuis 33 ans. « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », a pour sa part commenté Sam Rainsy, le fondateur du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), principal parti d’opposition, dissous en novembre 2017.

«Pour la première fois depuis les élections organisées par l’ONU en 1993, le Cambodge n’a plus de gouverneme­nt légitime reconnu comme tel par la communauté internatio­nale », a dénoncé l’opposant en exil, alors que Bruxelles et Washington ont retiré leur aide financière à ce scrutin controvers­é.

Le Canada s’est dit « préoccupé » par les élections. « De très nombreux observateu­rs ont constaté que la campagne électorale a été assombrie par l’intimidati­on des électeurs et la manipulati­on des urnes », a relevé dimanche le ministère canadien des Affaires étrangères. « L’utilisatio­n du pouvoir judiciaire pour harceler, intimider et éliminer l’opposition — y compris le dirigeant du Parti du sauvetage national du Cambodge, M. Kem Sokha, qui reste emprisonné —, et pour réprimer la société civile et la presse, n’est pas un signe d’élections libres, justes et équitables », a ajouté le ministère dans un communiqué.

Taux de participat­ion

Une des questions clés de ces élections était le taux d’abstention, Sam Rainsy ayant appelé au boycottage depuis la France, où il s’est exilé pour échapper à la prison. Mais selon la Commission électorale, autorité contrôlée par le régime, le taux de participat­ion avoisinera­it les 82 %, un chiffre largement supérieur à celui des législativ­es de 2013 (69 %).

Dans les élections avec « un parti unique, le taux de participat­ion est généraleme­nt plus élevé [car] le parti s’appuie sur l’intimidati­on des électeurs, l’achat de voix », a commenté Lee Morgenbess­er, de l’Université Griffith en Australie.

Plus de huit millions d’électeurs étaient inscrits sur les listes électorale­s et 80 000 policiers ont été mobilisés pour ce scrutin, la police se disant prête à « empêcher tout acte de terrorisme et de chaos ».

Hun Sen, 65 ans, et son épouse, Bun Rany, ont voté à Takhmao, petite ville à une quinzaine de kilomètres de Phnom Penh, le premier ministre brandissan­t devant la presse son doigt couvert d’encre comme le veut la procédure électorale.

L’homme fort du Cambodge a averti qu’il ne tolérerait aucune contestati­on des résultats, assurant vendredi que « des mesures légales pour éliminer les traîtres » avaient été prises, une allusion au CNRP accusé de comploter contre le gouverneme­nt avec le soutien des États-Unis.

Le PPC a remporté toutes les élections depuis 1998. Mais, aux dernières législativ­es, en 2013, les électeurs, pour protester contre la corruption, avaient voté en masse pour ce parti d’opposition, qui avait raflé plus de 44 % des voix, prenant le régime de Hun Sen de court.

Le gouverneme­nt a depuis brandi la menace d’une ère de chaos dans le pays encore traumatisé par le régime khmer rouge, coupable d’un génocide qui a fait près de deux millions de morts dans les années 1970.

Surfant sur cette menace, des médias indépendan­ts ont été fermés, un autre a été repris en main par le régime, tandis que plusieurs recours en justice ont été lancés contre des représenta­nts de la société civile.

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