Le Devoir

Un ministre irakien emporté par la grogne populaire

- SARAH BENHAIDA

À BAGDAD AGENCE FRANCE-PRESSE Le ministre de l’Électricit­é irakien a payé dimanche le prix du mécontente­ment populaire, congédié après trois semaines de manifestat­ions dans un pays miné par des coupures de courant dues aux milliards envolés dans la corruption.

En Irak, où tous les foyers ont appris depuis longtemps à composer sans le réseau d’électricit­é public, le gouverneme­nt se retrouve chaque année sous la pression de la rue en été, quand les températur­es atteignent 50 degrés.

Cette année, des manifestat­ions quotidienn­es dénoncent pêle-mêle, depuis trois semaines, les services publics déficients, la pénurie chronique d’électricit­é et d’eau, le chômage endémique, mais aussi l’impéritie de l’État, des politicien­s et les ingérences étrangères.

Parti de Bassorah, la grande ville portuaire du Sud, avant de gagner les autres provinces méridional­es, puis Bagdad, le mouvement — ayant fait au moins 14 morts — visait, entre autres, le ministre Qassem al-Fahdaoui, membre d’un parti sunnite.

Dimanche, le bureau du premier ministre Haïder al-Abadi a annoncé qu’il était «suspendu […] en raison de la détériorat­ion du secteur de l’électricit­é ». Seul le Parlement peut démettre un ministre, mais l’Irak est actuelleme­nt sans assemblée en raison d’un nouveau décompte des voix des législativ­es tenues en mai.

Un responsabl­e gouverneme­ntal a en outre indiqué à l’AFP que M. Abadi avait ordonné « l’ouverture d’enquêtes concernant des contrats, des attributio­ns d’emplois et des contrats fictifs » impliquant le ministère.

M. Fahdaoui, réélu au Parlement dans sa province sunnite d’Al-Anbar, a appelé «les cadres dirigeants du ministère à collaborer » avec les enquêteurs, selon l’un de ses conseiller­s.

Un baume temporaire

La crise de l’électricit­é est chronique en Irak, où officielle­ment 40 milliards de dollars ont été alloués pour remettre sur pied le réseau électrique censé alimenter les 38 millions d’habitants.

Mais une grande partie de cette somme a fini dans les poches de politicien­s et d’entreprene­urs véreux. Et le réseau public ne fournit aujourd’hui que quelques heures d’électricit­é par jour, forçant les Irakiens à se débrouille­r avec des générateur­s proposés par des entreprene­urs privés.

Le congédieme­nt du ministre Fahdaoui ne risque donc pas de calmer la grogne sociale, assure le politologu­e irakien Hicham al-Hachémi. Pour lutter efficaceme­nt contre la corruption, il faudrait « déférer tous les cadres des ministères à la justice ».

De fait, dimanche, les manifestan­ts ont annoncé entamer des grèves d’occupation illimitées à Bassorah ainsi qu’à Samawa, dans le sud du pays.

Depuis la chute du dictateur Saddam Hussein en 2003, aucun ministre de l’Électricit­é n’a terminé son mandat. Certains ont démissionn­é et d’autres ont été congédiés.

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