Le Devoir

Un anniversai­re sur un air de famille

Le Domaine Forget fêtait ses 40 ans, samedi, en ouvrant ses portes au public dès 7 h du matin

- CHRISTOPHE HUSS

Au coeur du Festival 2018, la journée du 40e anniversai­re du Domaine Forget, bénie par les cieux, a débuté dès 7 h à la jetée des Capelans. Des musiciens y donnaient l’aubade devant le fleuve et la directrice du Domaine, Ginette Gauthier, servait le café aux visiteurs les plus matinaux.

Ginette Gauthier est de l’aventure depuis que Françoys Bernier a réalisé son utopie de convertir le domaine de Rodolphe Forget en carrefour de perfection­nement musical internatio­nalement reconnu. Célébrer 40 ans, c’est aussi se souvenir des années où les concerts se donnaient dans l’ancien pavillon des loisirs de Rodolphe, celui de l’allée de quilles, de la salle de billard et de la piscine creusée. Ginette Gauthier se remémore la malédictio­n des journées caniculair­es, où une météo trop favorable entraînait une vague d’annulation­s la journée même du concert : « Nous présention­s des affiches merveilleu­ses devant une demi-salle après avoir refusé du monde toute la semaine ! » On comprend qu’en 1996, la nouvelle salle de concert climatisée résolvait un problème aigu.

Une journée sans soupe

Autre coup dur : l’incendie qui dévasta la cafétéria au début de la saison 2005. Pourtant, les étudiants n’ont jamais manqué de rien. Les repas, préparés par l’organisati­on dans une cantine d’une école de la Malbaie, étaient pris sous un chapiteau. En deux ans, jusqu’à la constructi­on du nouveau pavillon Joseph-Rouleau, « seule une journée, nous n’avions pas de soupe», raconte Ginette Gauthier, «car nous l’avions renversée».

Cette résilience et cette clairvoyan­ce sautent aux yeux : le Domaine Forget ne s’égare pas. Il connaît son ADN et sa mission. Cela apparaît lorsqu’on discute de manière impromptue avec Paul Lafleur, président de la campagne de financemen­t « Créateur de talents ! ». Il lui faut 10 millions de dollars pour solidifier la pérennité de la vocation du lieu. Il en est à 7,5 millions et ne lâchera pas.

Lumière et petits regrets

Pour cette journée animée avec sobriété et tact par Françoise Davoine, le Domaine doit une fière chandelle au couple formé par le pianiste Pascal Amoyel et la violoncell­iste Emmanuelle Bertrand. Pascal Amoyel, on l’a écrit souvent, possède l’une des sonorités les plus intéressan­tes du métier. Il conçoit aussi des animations musicales d’une intelligen­ce suprême, populaires au sens le plus noble du terme. Montréal et Forget avaient vu son spectacle sur György Cziffra ; Forget a vécu celui, extraordin­aire, sur Liszt, après un judicieux programme en famille, avec sa fille Alma, résumant de manière astucieuse l’histoire de la musique.

Superbes animations au long de la journée et petits regrets pour le reste. Sachant que l’événement de clôture, Concert extérieur du 40e, le 19 août, aura pour vedette l’Orchestre de jazz de Montréal et Diane Dufresne, le concert du soir du 40e, samedi, aurait pu être un concert classique prestigieu­x plutôt qu’une soirée jazz (Spyro Gyra).

Enfin, le Domaine Forget reste aux prises avec un cassetête. Pour attirer de grands pédagogues à l’académie, ceux-ci se voient aussi confiés des concerts. Or, passés certains stades de la vie, être un immense pédagogue et être un grand concertist­e sont deux choses qui ne vont plus forcément de pair, ce qu’a montré le concert de 16 h. Le cas du violoncell­iste Philippe Muller avait déjà été discuté à ce propos à Montréal. Régis Pasquier, aussi, a montré que volonté et enthousias­me ont leurs limites. Se pose donc au Domaine la question de ce qu’on présente, à quel moment et à quel prix, au festival.

Journée arts sans frontières

40e anniversai­re du Domaine Forget. « Une petite histoire de la grande musique », concert famille avec Pascal Amoyel, Emmanuelle Bertrand et Alma Amoyel-Bertrand. «Le Jour où j’ai rencontré Franz List», spectacle de Pascal Amoyel, mis en scène par Christian Fromont. Concert «France-Domaine Forget:

40 ans d’amitié », avec Régis Pasquier, Annick Roussin, Marina Thibeault, Dimitri Murrath, Emmanuelle Bertrand, Philippe Muller et Pascal Amoyel. Activités gratuites sur le site. Présentati­on: Françoise Davoine. Domaine Forget, samedi 28 juillet 2018.

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J B MILLOT Pascal Amoyel possède l’une des sonorités les plus intéressan­tes du métier. Il conçoit aussi des animations musicales d’une intelligen­ce suprême, populaires au sens le plus noble du terme.

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