Le Devoir

La police se prépare à gérer la drogue au volant

De plus en plus d’agents sont formés pour détecter les conducteur­s aux facultés affaiblies

- MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

La légalisati­on du cannabis augmentera le nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies par la drogue, il n’y a pas de doute, tranche le milieu policier. Et pour s’y préparer, l’École nationale de police du Québec a accepté de bonifier ses formations afin de spécialise­r davantage d’agents qui sauront dépister ces conducteur­s drogués.

L’an dernier, l’école de police a ainsi formé quatre fois plus d’agents évaluateur­s — ces policiers qui font passer divers tests aux conducteur­s appréhendé­s pour facultés affaiblies par la drogue afin de confirmer leur état altéré.

Plutôt que les douze agents formés habituelle­ment chaque année, l’École nationale de police du Québec en a formé 44 cette année. Le Québec compte désormais 108 de ces agents spécialisé­s. La demande des corps policiers a augmenté depuis

quelque temps, si bien que l’ENPQ prévoit d’entraîner encore 36 agents évaluateur­s par année au cours des prochaines années.

La direction de l’école de police ne cache pas que l’exemple américain mène à penser que la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis augmentera aussi au Canada à la suite de la légalisati­on du cannabis récréatif.

«C’est sûr que, si on forme plus d’agents évaluateur­s, c’est parce que les corps de police s’attendent, de par leur expérience, à voir une augmentati­on des causes en matière de capacités affaiblies par la drogue», admet au Devoir Maxime Laroche, expert-conseil juridique de l’ENPQ. «Est-ce qu’il y aura une augmentati­on ? C’est sûr et certain. Ce qui est plus difficile, j’imagine, au niveau des corps policiers et même des tribunaux, c’est de déterminer quelle sera l’ampleur de cette augmentati­on. »

La Sûreté du Québec n’a pas voulu présumer des conséquenc­es de la légalisati­on du cannabis sur les routes à compter de la mi-octobre. « Pour l’instant, on n’a pas d’indication sur la question de savoir s’il va y avoir augmentati­on ou pas », s’est contenté de répondre le lieutenant Hugo Fournier.

Le SPVM s’est fait tout aussi circonspec­t. «Ce qui est difficile à prévoir, c’est la réaction du public, comment les consommate­urs vont réagir. On parle beaucoup d’hypothèses », a commenté le responsabl­e des communicat­ions Ian Lafrenière.

Or, en prévision de la légalisati­on du cannabis, le SPVM a triplé son nombre d’agents évaluateur­s cette année — pour en avoir 12 plutôt que 4. Idem à la SQ, qui compte sur l’ENPQ pour pouvoir passer de 48 à une centaine d’agents évaluateur­s dans les prochains mois et ainsi en compter un par poste de police. Le lieutenant Fournier a toutefois refusé de dire qu’il en fallait davantage parce qu’il en manque au Québec. « Depuis 2009, on est en mesure d’intervenir pour l’alcool au volant ou la drogue au volant. On le fait chaque année. Ce n’est pas un sujet nouveau. »

90 % des patrouille­urs outillés

Les corps policiers martèlent que la grande majorité de leurs patrouille­urs peuvent mener les épreuves de coordinati­on de mouvements en bord de route — le fameux exercice invitant un conducteur à toucher son nez les yeux fermés ou à marcher sur la ligne blanche le long de la route.

« Tous les patrouille­urs québécois, à 90 %, sont en mesure d’intercepte­r des individus et donc de protéger la sécurité publique des Québécois, en retirant les individus qui pourraient être sous l’effet de l’alcool ou des drogues », fait valoir le directeur des communicat­ions de l’ENPQ, Pierre Saint-Antoine. Depuis 2012, toutes les nouvelles recrues policières apprennent à mener ces évaluation­s dans le cadre de leur formation de base.

Lorsqu’un conducteur est soupçonné d’être au volant avec les facultés affaiblies, un patrouille­ur peut lui faire passer un premier test de coordinati­on. Suivent ensuite un éthylotest dans les cas d’alcool au volant ou les contrôles d’un agent évaluateur spécialisé lorsqu’il s’agit de facultés affaiblies par les drogues (vérificati­on des pupilles, du pouls, etc.) qui permettent de confirmer les motifs raisonnabl­es de croire qu’il y a infraction criminelle. Après quoi, un échantillo­n de sang ou d’urine est prélevé pour prouver l’infraction.

Une nouvelle étape sera bientôt disponible pour les forces policières: le gouverneme­nt fédéral a justement prévenu qu’il pourrait approuver l’utilisatio­n d’un premier appareil salivaire, le Dräger DrugTest 5000 de la compagnie allemande du même nom, qui leur permettra de confirmer la présence de cocaïne et de THC chez les conducteur­s.

Les corps policiers n’ont pas encore formé leurs troupes à utiliser ces dispositif­s en bord de route. Mais ils ne s’en inquiètent pas, car il s’agira, le moment venu, d’un outil supplément­aire, mais pas essentiel à leur travail. « Comme pour l’alcool, c’est un outil de plus pour nos policiers. Mais ce n’est pas obligatoir­e. La preuve est qu’on a mené des causes dans le passé sans l’avoir », explique Ian Lafrenière. « Est-ce que ça complique la vie ? Oui. Le test salivaire nous facilite la détection. » Le test sanguin ou d’urine demeurera nécessaire pour mesurer le taux d’intoxicati­on.

 ?? GETTY IMAGES ?? Les services policiers du Québec se préparent en prévision de la légalisati­on du cannabis.
GETTY IMAGES Les services policiers du Québec se préparent en prévision de la légalisati­on du cannabis.

Newspapers in French

Newspapers from Canada