Le Devoir

Ras le bol du harcèlemen­t

La riposte d’une Parisienne à des commentair­es désobligea­nts devient un phénomène viral

- ANNABELLE CAILLOU

La vidéo devenue virale d’une jeune femme se faisant agresser à Paris a donné des armes à un projet de loi présenté par le gouverneme­nt Macron pour pénaliser le harcèlemen­t de rue.

« L’enjeu est grave : c’est celui de la liberté des femmes de circuler librement dans l’espace public », a commenté la secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, en entrevue avec le quotidien Le Parisien dimanche.

La politicien­ne défend depuis février un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, qui vise notamment à punir le harcèlemen­t de rue, qui sera passible d’une amende d’au minimum 90 euros (140 $).

La semaine dernière, une Française de 22 ans, Marie Laguerre, a publié la vidéo de son agression dans une rue de Paris sur Facebook. On y voit un homme lancer un cendrier dans sa direction, puis la frapper au visage.

Dans sa publicatio­n, la jeune femme raconte avoir « lâché un “ta gueule” » à l’inconnu qui venait de lui adresser des « bruits/commentair­es/sifflement­s/co ups de langue sales, de manière humiliante et provocante», alors qu’elle marchait simplement dans une rue de la capitale, en pleine journée.

« Je ne tolère pas ce genre de comporteme­nt. Je ne peux pas me taire et nous ne devons plus nous taire, écrit-elle sur Facebook. En espérant que ça fasse bouger les choses pour toutes les femmes qui subissent du harcèlemen­t et des violences sexistes au quotidien. »

Sa vidéo a été partagée près de 8000 fois en moins d’une semaine et fait beaucoup parler d’elle, même de ce côté-ci de l’océan. Moins important au Québec qu’en France, le harcèlemen­t de rue y est tout de même bien présent.

« J’ai hésité à regarder la vidéo parce que c’est une scène de violence. Mais en même temps, c’est une scène de résistance», souligne Sandrine Ricci, chargée de cours en sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Elle trouve qu’il est rare de voir, en France ou au Québec, une femme répondre à son agresseur et « ne pas accepter la violence comme une fatalité ».

De son côté, la directrice de l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM, Rachel Chagnon, fait remarquer que «se faire apostrophe­r de la sorte dans la rue quand on est une femme » n’est considéré comme un problème que depuis peu. « Avant, c’était banalisé comme geste, c’était ordinaire

La vidéo a été partagée près de 8000 fois en moins d’une semaine et fait beaucoup parler d’elle, même de ce côté-ci de l’océan

et on vivait avec, dit-elle. Les plus jeunes femmes sont élevées dans cette croyance que les femmes et les hommes sont égaux, ou du moins qu’ils vont l’être un jour, alors elles sont beaucoup moins tolérantes à l’égard de ce type de comporteme­nts. »

Mme Chagnon doute toutefois qu’une approche essentiell­ement punitive, comme celle proposée par le projet de loi en France, soit véritablem­ent efficace.

«Qu’on fasse des campagnes de sensibilis­ation pour conscienti­ser les hommes sur la façon dont ils se comportent avec les femmes, je suis à 150 % pour ça. Mais seulement les punir, ça me préoccupe », confie-telle, assurant que beaucoup d’hommes ne comprennen­t même pas pourquoi leurs paroles ou leurs gestes peuvent être considérés comme déplacés.

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