L’argent, le nerf de la démocratie
Quelques propositions pour améliorer le financement politique
Lorsque vient le temps de réfléchir aux améliorations pouvant être apportées aux institutions politiques québécoises, c’est presque toujours les mêmes propositions qui occupent l’espace public. On revient en effet immanquablement à la réforme du mode de scrutin, aux initiatives populaires et aux quotas de représentation. Bien que ces éléments méritent amplement qu’on s’y attarde, il se trouve que les démarches entreprises pour s’y attaquer s’avèrent infructueuses. Il faut peut-être réfléchir autrement pour espérer progresser.
Contrairement au palier fédéral qui a aboli des pans entiers du financement public dirigé vers les partis politiques, le Québec a consolidé la place prépondérante de l’État dans notre vie politique avec la réforme de 2013. Mais beaucoup reste à faire pour améliorer les choses et corriger des lacunes du régime actuel.
Un premier bouquet de réformes consisterait à ajuster la Loi québécoise sur le financement politique pour y modifier certains paramètres et y ajouter des incitatifs. Il faudrait d’abord hausser le plafond des contributions individuelles. On pourrait facilement doubler les montants permis pour faire passer à 200 $ en année ordinaire et 400 $ en année électorale les dons individuels. Ces montants seraient toujours suffisamment limités pour empêcher la création d’inégalités entre les donateurs et les autres dans l’élaboration des politiques publiques, mais cela redonnerait au financement populaire un élan nécessaire pour une vie démocratique saine. On pourrait en contrepartie diminuer quelque peu la très généreuse contribution publique aux partis représentés à l’Assemblée nationale et ainsi créer un équilibre entre les deux sources de financement.
D’autres ajustements y seraient greffés. On devrait tripler plutôt que doubler ces montants pour les partis politiques sans représentation à l’Assemblée nationale. Nous sommes actuellement dans une logique de partis de cartel qui bénéficie injustement aux quatre joueurs principaux au Québec, au détriment d’autres partis sans représentation qui peinent à financer leurs activités. Ce n’est effectivement pas à coups de 100 $ que l’on construit une machine électorale capable d’affronter les joueurs établis. Le financement populaire servirait ici de levier à ces nouveaux (ou plus petits) partis en attendant le financement public tiré d’une représentation à l’Assemblée.
Registre des donateurs
On devrait également éliminer le registre public des donateurs. L’anonymisation des dons (c’était le cas avant pour les faibles montants) éliminerait un frein important pour certains électeurs craignant les conséquences sociales ou professionnelles de la publicisation de leurs dons partisans. Il est déjà difficile pour les partis de convaincre les citoyens d’apporter leur contribution. Cessons d’y mettre des barrières additionnelles, inutiles au demeurant. Cela n’empêcherait évidemment pas Élections Québec de conserver une liste confidentielle des donateurs et de maintenir sa base de données à des fins de vérification.
Le deuxième bouquet de réformes s’attaquerait à la question de la parité dans la représentation. Le financement public des partis politiques devrait en effet être ajusté en fonction des objectifs de représentation. Des pénalités financières conséquentes seraient alors imposées aux partis qui n’atteignent pas un seuil clairement établi (disons 40 % de femmes). Les pénalités iraient en augmentant à mesure que la composition du caucus dudit parti s’éloignerait des proportions visées, jusqu’à un plancher de financement.
En liant le financement public des partis à la parité de représentation entre hommes et femmes, on créerait un incitatif puissant pour corriger les disparités actuelles, sans toutefois perdre les avantages de la décentralisation du processus de sélection des candidatures si chère à certains partis. Chacun pourrait imaginer ses propres mécanismes à l’interne (quotas, investitures ciblées, etc.) pour augmenter la représentation des femmes au sein de son caucus. On ne jugerait les partis que sur le résultat concret de leurs efforts dans la représentation effective, et non pas dans la composition des listes des candidatures aux élections générales.
Ces propositions nécessitent une simple modification à la législation québécoise. On réussirait ainsi à augmenter l’offre électorale par l’ajout de compétiteurs mieux financés, en plus de renforcer la participation citoyenne à notre vie démocratique et de s’assurer d’avoir une Assemblée nationale plus représentative de l’électorat québécois. Cela n’empêcherait pas les débats sur des réformes plus profondes de nos institutions, mais cela aurait l’énorme avantage de corriger des problèmes réels rapidement.