Une fusion qui améliorerait le sort des artistes
La SOCAN et la SODRAC s’unissent et espèrent de meilleures redevances
Poursuivant une série d’acquisitions faites dans les dernières années et servant à élargir sa force de frappe, la SOCAN (Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) a annoncé mardi qu’elle intégrera dans ses rangs sa petite voisine, la SODRAC (Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada). L’union, qui pourrait améliorer les redevances aux créateurs, se fait après plusieurs mois de discussions entre les deux sociétés de gestion des droits musicaux.
La SOCAN gère les redevances aux artistes pour la diffusion de leur musique, que ce soit à la radio ou sur les plateformes en ligne. Avec l’intégration de la SODRAC, elle ajoutera à son portefeuille les droits de reproduction mécanique, c’est-àdire les droits impliqués lors de la reproduction d’une oeuvre sur un support physique ou numérique.
« Ça fait des années qu’on essaie de combiner, d’intégrer les droits musicaux au Canada », explique Geneviève Côté, chef des affaires du Québec à la SOCAN, bien heureuse de ce futur guichet unique pour ces deux types de droits. Elle précise que l’organisation possède déjà Audiam, une entreprise américaine qui s’occupe déjà de droits de reproduction mécanique.
Non seulement les «utilisateurs» de musique — les plateformes, les médias ou les radios faisant des affaires avec les oeuvres musicales — auront la vie plus simple, précise-t-elle, mais les créateurs profiteront aussi d’un accès simplifié aux chiffres.
Cette division des sociétés de gestion de droits, « c’est une particularité du Québec et du Canada. En France, si on fait la comparaison, il y a une société qui collecte les deux droits, la SACEM », fait remarquer Daniel Lafrance, directeur général de la maison d’édition musicale Éditorial Avenue. M. Lafrance est un ancien vice-président de la SODRAC et est depuis huit ans membre du conseil d’administration de la CMRRA (Agence canadienne des droits de reproduction musicaux), une agence basée à Toronto qui s’occupe aussi de droits de reproduction mécanique.
« Pour le commun des mortels, ça a zéro impact, ajoute-t-il. Ça n’a pas d’impact non plus sur plusieurs auteurs-compositeurs et éditeurs d’ici. L’impact, il est positif, à mon avis, mais il est plus loin, dans le développement que la SOCAN va faire du droit mécanique. Elle peut se permettre de le faire à l’échelle canadienne et de le faire de façon agressive et concurrencer la CMRRA. » Précisons que de précédentes négociations entre la CMRRA et la SOCAN ont achoppé il y a quelques années.
Plus de redevances ?
Dans l’annonce de cette intégration, le chef de la direction de la SOCAN, Éric Baptiste, laisse miroiter plus de sous en redevances pour les musiciens, en raison d’économies d’échelle. La fusion « met à profit les relations avec les licenciés et réduit les coûts d’exploitation, ce qui a pour effet de nous permettre d’acheminer des redevances musicales encore plus importantes à ceux et celles qui les ont gagnées », dit-il.
Geneviève Côté ajoute que sous l’égide de la SOCAN, les 9000 membres de la SODRAC pourront « aspirer à une force de frappe plus grande, et obtenir de meilleur taux, de meilleurs tarifs, parce qu’avec un plus grand répertoire on pourra obtenir de meilleurs taux. » Mme Côté précise qu’économie d’échelle ne rimera pas avec mises à pied. « Il faut qu’on fasse l’analyse, mais ce n’est pas du tout le projet. Si on ne visait pas de l’expansion, on ne le ferait pas. »
« Aujourd’hui, la concentration des énergies et des ressources est devenue essentielle dans un contexte où les marchés se mondialisent, où le support des droits d’auteur se dématérialise et où les moyens financiers nécessaires à la défense des droits dans un monde numérisé deviennent prodigieux », a pour sa part écrit Lise Aubut, présidente du conseil d’administration de la SODRAC, une organisation qu’elle a cofondée en 1985.
Daniel Lafrance rappelle que depuis six ou sept ans, les droits de reproduction mécanique se sont effondrés en même temps que les ventes de disques. « Pour une société comme la SODRAC, c’était invivable. »