Le Devoir

Une fusion qui améliorera­it le sort des artistes

La SOCAN et la SODRAC s’unissent et espèrent de meilleures redevances

- PHILIPPE PAPINEAU

Poursuivan­t une série d’acquisitio­ns faites dans les dernières années et servant à élargir sa force de frappe, la SOCAN (Société canadienne des auteurs, compositeu­rs et éditeurs de musique) a annoncé mardi qu’elle intégrera dans ses rangs sa petite voisine, la SODRAC (Société du droit de reproducti­on des auteurs, compositeu­rs et éditeurs au Canada). L’union, qui pourrait améliorer les redevances aux créateurs, se fait après plusieurs mois de discussion­s entre les deux sociétés de gestion des droits musicaux.

La SOCAN gère les redevances aux artistes pour la diffusion de leur musique, que ce soit à la radio ou sur les plateforme­s en ligne. Avec l’intégratio­n de la SODRAC, elle ajoutera à son portefeuil­le les droits de reproducti­on mécanique, c’est-àdire les droits impliqués lors de la reproducti­on d’une oeuvre sur un support physique ou numérique.

« Ça fait des années qu’on essaie de combiner, d’intégrer les droits musicaux au Canada », explique Geneviève Côté, chef des affaires du Québec à la SOCAN, bien heureuse de ce futur guichet unique pour ces deux types de droits. Elle précise que l’organisati­on possède déjà Audiam, une entreprise américaine qui s’occupe déjà de droits de reproducti­on mécanique.

Non seulement les «utilisateu­rs» de musique — les plateforme­s, les médias ou les radios faisant des affaires avec les oeuvres musicales — auront la vie plus simple, précise-t-elle, mais les créateurs profiteron­t aussi d’un accès simplifié aux chiffres.

Cette division des sociétés de gestion de droits, « c’est une particular­ité du Québec et du Canada. En France, si on fait la comparaiso­n, il y a une société qui collecte les deux droits, la SACEM », fait remarquer Daniel Lafrance, directeur général de la maison d’édition musicale Éditorial Avenue. M. Lafrance est un ancien vice-président de la SODRAC et est depuis huit ans membre du conseil d’administra­tion de la CMRRA (Agence canadienne des droits de reproducti­on musicaux), une agence basée à Toronto qui s’occupe aussi de droits de reproducti­on mécanique.

« Pour le commun des mortels, ça a zéro impact, ajoute-t-il. Ça n’a pas d’impact non plus sur plusieurs auteurs-compositeu­rs et éditeurs d’ici. L’impact, il est positif, à mon avis, mais il est plus loin, dans le développem­ent que la SOCAN va faire du droit mécanique. Elle peut se permettre de le faire à l’échelle canadienne et de le faire de façon agressive et concurrenc­er la CMRRA. » Précisons que de précédente­s négociatio­ns entre la CMRRA et la SOCAN ont achoppé il y a quelques années.

Plus de redevances ?

Dans l’annonce de cette intégratio­n, le chef de la direction de la SOCAN, Éric Baptiste, laisse miroiter plus de sous en redevances pour les musiciens, en raison d’économies d’échelle. La fusion « met à profit les relations avec les licenciés et réduit les coûts d’exploitati­on, ce qui a pour effet de nous permettre d’acheminer des redevances musicales encore plus importante­s à ceux et celles qui les ont gagnées », dit-il.

Geneviève Côté ajoute que sous l’égide de la SOCAN, les 9000 membres de la SODRAC pourront « aspirer à une force de frappe plus grande, et obtenir de meilleur taux, de meilleurs tarifs, parce qu’avec un plus grand répertoire on pourra obtenir de meilleurs taux. » Mme Côté précise qu’économie d’échelle ne rimera pas avec mises à pied. « Il faut qu’on fasse l’analyse, mais ce n’est pas du tout le projet. Si on ne visait pas de l’expansion, on ne le ferait pas. »

« Aujourd’hui, la concentrat­ion des énergies et des ressources est devenue essentiell­e dans un contexte où les marchés se mondialise­nt, où le support des droits d’auteur se dématérial­ise et où les moyens financiers nécessaire­s à la défense des droits dans un monde numérisé deviennent prodigieux », a pour sa part écrit Lise Aubut, présidente du conseil d’administra­tion de la SODRAC, une organisati­on qu’elle a cofondée en 1985.

Daniel Lafrance rappelle que depuis six ou sept ans, les droits de reproducti­on mécanique se sont effondrés en même temps que les ventes de disques. « Pour une société comme la SODRAC, c’était invivable. »

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