Le Devoir

Facebook détecte de nouvelles manipulati­ons politiques

Trente-deux pages et comptes ont été ciblés et supprimés

- JULIE CHARPENTRA­T À SAN FRANCISCO

Facebook a repéré de nouvelles tentatives de manipulati­on politique de sa plateforme à l’approche des élections législativ­es américaine­s de novembre, se gardant de dévoiler l’identité des auteurs, tout en laissant les regards se tourner vers la Russie.

Le premier réseau social du monde avait été violemment critiqué l’an dernier pour avoir servi de plateforme de désinforma­tion à des fins de manipulati­on politique lors de l’élection présidenti­elle américaine de 2016, des ingérences politiques attribuées à la Russie par les services de renseignem­ent américains.

Le procureur spécial Robert Mueller, chargé de l’enquête sur les soupçons d’ingérence russe dans cette campagne présidenti­elle, avait précisémen­t ciblé il y a quelques mois de nombreux comptes Facebook et pages gérés par l’« Internet Research Agency » (IRA), soupçonnée d’être un bras numérique du Kremlin, ce que ce dernier a toujours nié vigoureuse­ment.

«Nous sommes toujours en train d’enquêter, mais qui que ce soit ayant créé ce réseau de [faux] comptes a pris grand soin de cacher les véritables identités, et donc nous ne savons pas encore de façon certaine qui est responsabl­e. Ceci étant, une partie de cette activité est similaire à ce qu’a fait l’Internet Research Agency » avant et après le scrutin de 2016, a écrit mardi le patron du groupe, Mark Zuckerberg, sur sa page Facebook.

« Nous faisons face à des adversaire­s très sophistiqu­és et bien financés, notamment des États-nations, qui évoluent en permanence et tentent de nouvelles attaques », a-t-il poursuivi.

Le réseau a également expliqué avoir trouvé « des liens » entre les comptes supprimés «et les comptes de l’IRA désactivés l’année dernière ».

Facebook a annoncé avoir cette fois supprimé 32 pages et comptes douteux (la plupart sur Facebook, mais certains sur Instagram, possédé par le groupe), qui selon lui relevaient d’une « action coordonnée ».

Comme en 2016, ces comptes ont diffusé des messages sur des sujets polémiques susceptibl­es de diviser la société américaine — comme les tensions raciales — et ont même payé pour les diffuser plus largement sur le réseau grâce à l’achat d’espaces publicitai­res (« ads »), pour un total de 11 000 $, selon le groupe.

Facebook a cité des exemples, dont un appel à une manifestat­ion politique en fin de semaine prochaine à Washington.

Cette nouvelle campagne a usé de moyens beaucoup plus sophistiqu­és pour couvrir ses traces et contourner les mesures de contrôle prises par Facebook ces derniers mois destinées à détecter et à stopper la manipulati­on. Les comptes et pages concernés ont notamment évité d’user d’adresses IP russes (l’adresse IP permet de localiser l’origine d’une connexion à Internet).

Répétant plusieurs fois qu’il ne revenait pas à Facebook d’attribuer ces tentatives de manipulati­on « à une organisati­on spécifique ou à un pays », le chef de la sécurité de Facebook, Alex Stamos, a estimé qu’il « revenait aux forces de l’ordre de prendre la décision » d’attribuer ces tentatives à une entité ou à un pays.

Le groupe a indiqué avoir informé forces de l’ordre et parlementa­ires de ses découverte­s.

Le réseau social avait déjà dit s’attendre à de nouvelles tentatives de manipulati­on via sa plateforme à l’approche des élections de mi-mandat aux ÉtatsUnis cet automne, et le chef du renseignem­ent américain, Dan Coats, avait d’ailleurs averti plusieurs fois que la Russie reprendrai­t les recettes de 2016 pour tenter d’influencer les scrutins de novembre.

Saluant les mesures prises par Facebook, le sénateur démocrate Mark Warner ne s’est quant à lui pas privé d’accuser la Russie. «J’attends […] que Facebook de même que d’autres plateforme­s continuent à détecter l’activité des “trolls” russes et à travailler avec le Congrès pour améliorer nos lois pour mieux protéger notre démocratie à l’avenir », a-t-il ainsi écrit sur Twitter. Pour Adam Schiff, représenta­nt démocrate à la Chambre, « des acteurs malveillan­ts à l’étranger utilisent exactement la même [technique] qu’en 2016 : nous diviser politiquem­ent et idéologiqu­ement ».

Facebook avait décelé et supprimé en 2017 de nombreuses pages et comptes douteux gérés depuis la Russie et qui servaient à attiser les tensions au sein de la société américaine.

Selon un article du New York Times relayé sur le compte Twitter de Facebook, des responsabl­es de l’entreprise ont indiqué lors de réunions au Congrès que «la Russie pouvait être impliquée» dans cette nouvelle affaire.

Nous faisons face à des adversaire­s très sophistiqu­és et bien financés, notamment des États-nations, qui évoluent en permanence et tentent de nouvelles attaques

MARK ZUCKERBERG

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