Le Devoir

Trump demande à Sessions de mettre fin à l’enquête russe

- LÉO MOUREN À WASHINGTON ELODIE CUZIN À ALEXANDRIA

Certains espèrent que Paul Manafort finira par révéler des informatio­ns importante­s pour le dossier

Donald Trump a franchi une nouvelle étape dans sa surenchère verbale contre le procureur spécial Robert Mueller en exprimant fermement son souhait de voir son ministre de la Justice mettre fin à l’enquête sur l’ingérence russe dans la campagne électorale de 2016.

Dans un tweet matinal, le président américain a estimé que Jeff Sessions « devrait mettre fin à cette chasse aux sorcières truquée, avant qu’elle ne salisse un peu plus notre pays ».

Mais la Maison-Blanche a dû tempérer le propos présidenti­el au regard des vives réactions devant cette interventi­on dans les affaires judiciaire­s. « Ce n’est pas un ordre, c’est l’opinion du président », a dit sa porte-parole, Sarah Sanders.

M. Trump tente depuis plusieurs mois de discrédite­r cette enquête, qu’il juge minée par des conflits d’intérêts prêtés à Robert Mueller et qui empoisonne son mandat.

Le président américain veut « la voir arriver à sa fin », a insisté Sarah Sanders.

Les avocats du président se sont eux aussi employés à éteindre le début d’incendie. « Le président utilise les tweets pour exprimer ses opinions », a ainsi commenté Rudy Giuliani. « Il a pris soin d’utiliser le mot “devrait” », a-t-il ajouté.

Jeff Sessions ne peut de toute façon techniquem­ent pas arrêter l’enquête russe. Même si elle dépend de son ministère, il s’en est récusé en mars 2017, car il avait été l’un des principaux responsabl­es de la campagne de Donald Trump en 2016.

C’est le no 2 de la Justice, Rod Rosenstein, qui a le pouvoir d’y mettre fin.

Procès Manafort, jour 2

Dans le cadre de cette enquête, des agents et des personnali­tés russes ont été mis en cause. Mais quatre membres de l’ancienne campagne présidenti­elle de M. Trump sont aussi poursuivis pour des délits qui ne sont cependant pas directemen­t liés à une éventuelle collusion avec Moscou.

Son ancien directeur de campagne, Paul Manafort, en fait partie. Son pro- cès pour fraudes et blanchimen­t d’argent a commencé mardi dans la banlieue de Washington.

Ce procès est le premier à découler de l’enquête russe, les faits lui étant reprochés ayant été mis au jour par le travail de l’équipe de Robert Mueller.

«Il a travaillé pour moi très peu de temps. Pourquoi le gouverneme­nt ne m’a pas dit qu’il était la cible d’une enquête ? Ses anciennes accusation­s n’ont rien à voir avec la collusion », a tweeté à son sujet le président Trump mercredi matin alors que le procès se poursuivai­t à Alexandria (Virginie).

À 69 ans, l’ancien lobbyiste s’est longtemps cru « au-dessus des lois », a asséné la veille l’accusation.

Il dépensait des sommes exorbitant­es pour mener un « train de vie extravagan­t », ponctué d’achat de montres de luxe et même d’une veste « faite en autruche » à 15 000 $.

Si les folles dépenses ne sont pas illégales, c’est la source de leur financemen­t qui est en jeu lors de ce procès pour blanchimen­t d’argent, fraudes fiscale et bancaire : des millions de dollars tirés de ses activités de lobbyiste pour l’ex-président ukrainien Viktor Ianoukovit­ch, soutenu par Moscou, qu’il n’a pas déclarés au fisc.

Le candidat puis dirigeant ukrainien représenta­it une véritable « poule aux oeufs d’or » pour l’équipe Manafort, selon les procureurs.

Paul Manafort rejette toutes ces accusation­s.

Des membres de l’équipe du procureur spécial, Robert Mueller, ont assisté à l’ouverture des débats mardi dans la salle d’audience. Mais la question cruciale d’une possible collusion entre des membres de la campagne Trump et Moscou ne devrait pas être abordée pendant ce procès. Il porte en effet sur des faits antérieurs au passage de Paul Manafort à la tête de l’équipe Trump, entre mai et août 2016. Ni le nom de Donald Trump ni le mot « Russie » n’ont d’ailleurs été prononcés mardi.

Certains espèrent pourtant que Paul Manafort finira par révéler des informatio­ns importante­s pour le dossier. Ce procès, rendez-vous juridique ultramédia­tique au coeur de l’été, embarrasse la Maison-Blanche. Paul Manafort « n’a aucune informatio­n incriminan­t le président », avait martelé lundi Rudy Giuliani.

Parmi la trentaine d’individus déjà visés par le procureur spécial, dont une majorité de Russes, Paul Manafort est le seul Américain à avoir refusé de passer un accord avec la justice pour éviter un procès.

Risquant déjà de passer le restant de ses jours en prison, Paul Manafort devra affronter un second procès en septembre, toujours dans le cadre de l’enquête Mueller.

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